Association nationale des assistants de service social

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Partage d'expérience d'une ISIC sur l'estime de soi


Cet espace est dédié aux témoignages d'assistant·e·s de service social. Si vous souhaitez partager le votre, n'hésitez pas à nous le faire parvenir par courriel !



Nous avons reçu de la part d'une adhérente souhaitant partager son expérience une proposition d'article sur l'ISIC et l'estime de soi. Voici son témoignage :

ISIC et estime de soi
Outils et méthode

Résumé :
 
L'intervention sociale d'intérêt collectif (ISIC) est un mode d'intervention valorisante pour le professionnel, bénéfique pour l'usager et rapidement efficiente dans l'accompagnement social. C'est une co-construction qui remet la relation humaine au coeur de la pratique. Elle permet une émulation sans précédent chez les usagers et leur redonne le pouvoir d'agir. Ma pratique dans ce domaine a pu donner des résultats inespérés sur le thème de l'estime de soi.
 
Liste des mots-clés :
ISIC, pratique de l'assistant social, accompagnement social, techniqiues d'entretien, médiation artistique, estime de soi.
 

L' Intervention sociale d’intérêt collectif (ISIC), est un mode d'intervention dans la boite à outils de l'assistante sociale. C'est une co-construction qui permet à l'usager de prendre appui sur le groupe - qui représente un lieu suffisamment stimulant et sécure - pour  développer son autonomie et ses capacités d'agir.
 
Ma pratique dans ce domaine a pu donner des résultats positifs inespérés sur le thème de l'estime de soi.
Lorsque l'accompagnement social souvent en Intervention sociale d'aide à la personne (ISAP) « patine », que l'usager va d'échec en échec, ne parvient plus à aller au bout de ses démarches, subit les multiples parcours d'insertion mis en place par nos institutions,  fait preuve d'immobilisme, il y a fort à parier  - outre les freins liés aux déficiences cognitives et autres difficultés de compréhension - que l'usager souffre d'une estime de soi basse qui ne lui permet pas de prendre appui pour rebondir. Il faut à mon sens se poser la question de l'estime de soi et accepter de travailler sur ce thème. C'est un sujet complexe à aborder et encore plus compliqué à faire évoluer dans le cadre de l'ISAP. Mais la méthode collective peut apparaître comme une source inestimable d'innovation, de liberté et d'évolution. Faire l'impasse de cette notion essentielle qu'est l'estime de soi, et qui est le cœur même de la plupart des problématiques rencontrées en service social est le chemin le plus court vers l'échec et l'immobilisme. Les aspirations professionnelles ne peuvent se faire jour que lorsque tous les autres besoins ont été assouvis comme indiqué dans la pyramide des besoins d'Abraham Maslow 1943.  L'estime de soi fait partie des besoins à traiter avant de vouloir travailler sur l'insertion professionnelle. L'ISIC concernant l'estime de soi va travailler sur le besoin d'appartenance, ne serait-ce que l'appartenance au groupe lui-même. L'ISIC va s'appuyer sur les capacités infinies de l'usager et resituer la personne dans son histoire familiale et sociale. Un travail pourra ensuite être entamé sur le besoin d'estime en exprimant tous ses doutes, en stimulant la parole et le feedback afin que le groupe soit porteur de valorisation et d'image positive qui alimentera l'estime.
 
La mise en place de l'ISIC passe par un constat de terrain d'où en résulteront :
  • un diagnostic social effectué par l'assistante sociale ;
  • la négociation avec son institution et les partenaires locaux ;
  • la préparation matérielle : organisation des rencontres, contenu des séances, création des outils d'animation, d'observation et d'évaluation.
L'ISIC est un temps à part. Nous ne sommes plus dans des injonctions, des justifications pour faire valoir ses droits, des intermèdes téléphoniques, des rendez-vous toutes les demi heures. Non. Nous sommes dans une temporalité autre où la relation humaine prend toute sa place.
 
Dans mon expérience, j'ai choisi de laisser une large place à la médiation artistique. Les participantes au nombre de cinq, bénéficiaires de minimas sociaux et souffrant d'isolement et d'une mauvaise estime de soi, ont pu travailler sur leur ressenti à travers l'argile, le dessin, la pâte à modeler. Pendant dix mois, un lundi sur deux, nous avons pu travailler ensemble sur ce sujet qu'est l'estime de soi. Comment cette estime s'est modelée au cours de notre vie ? Les séances ont permis de verbaliser des vécus douloureux sur lesquels les participantes ont accepté de prendre le temps de l'analyse et du recul. Le jeu de rôle, le dessin de l'arbre de vie, la création à l'argile, les exercices de respiration, sont autant d'outils favorisant la prise de paroles, jouant son rôle de médiateur. L'émotion ressentie dans le groupe a contribué à créer un lien fort d'empathie, de solidarité et a fait naître une dynamique de changement. Je me suis appliquée à encourager le feedback qui a permis de remodeler séance après séance une estime de soi haute, de la nourrir de phrases et d'empreintes  positives. Cela devient ainsi une expérience bénéfique sur laquelle les participantes peuvent venir prendre appui en confiance pour se projeter vers l'exterieur. Le groupe a d'abord servi de cocon protecteur, puis de lieu stimulant avec des activités plus ludiques ayant pour but la restauration de la confiance en soi, pan essentiel de l'estime de soi. Le groupe est devenu un passeur vers la société et les réseaux locaux, vers un début d'autonomie. Chaque séance a été l'occasion pour elles de trouver un espace confidentiel et non jugeant, un lieu d'écoute bienveillante et valorisante. J'ai opté pour une posture inspirée des travaux de Carl Rogers, Les groupes de rencontre, Collection science de l'éducation, 1973, et de la méthode Gestalt, Masquelier-Savatier Chantal, La Gestalt thérapie, Presse universiaire de France, 2013, qui mettent en avant la verbalisation de ses émotions. Cela a été particulièrement efficace pour créer rapidement un lien fort au sein du groupe et pour avancer dans l'analyse de sa problématique de basse estime de soi. Les séances ont alterné avec les rendez vous dans le cadre de l'ISAP, étape indispensable et complémentaire pour un accompagnement global de l'usager. Ces deux outils ont pu débloquer des situations statiques et douloureuses. Il y a eu des cheminement plus longs que d'autres, des freins. Mais le groupe est là et s'adapte au rythme de chacun. Mon rôle a été celui de guide au sein du groupe. J'ai veillé à stimuler la parole de chacun tout en laissant un espace de liberté, le choix de rester en retrait si le besoin s'en faisait sentir. Cette posture a permis aux membres du groupe de se sentir en sécurité et libres d'intervenir ou non. Au final, chacune a pu cheminer, apprendre à prendre soin de soi, reprendre confiance, reprendre le pouvoir de décision sur son existence. Un souffle nouveau a pris forme dans la mesure où elles ont arrêté de subir. Quatre d'entre elles ont pris des décisions importantes pour évoluer dans leur parcours de vie. Je les accompagne maintenant dans le cadre de l'ISAP.
 
Les participantes sont ressorties de cette expérience en notant leur estime de soi avec une note supérieure à la moyenne alors qu'elles avaient donné une notre proche de zéro au départ de l'action. Nous devons tout de même prendre conscience que l'estime de soi est fluctuante d'un jour à l'autre, d'une expérience à l'autre. Il ne s'agit pas d'une image statique et définitive comme l'explique André Christophe, Imparfaits, libres et heureux, pratiques de l'estime de soi, Odile Jacob, 2011. Cependant, à cet instant, au sein du groupe, elles se donnent la moyenne. Les mots qui reviennent le plus souvent dans leur discours sont : respect, bienveillance, écoute, non jugement. Cela a été en effet les piliers fondateurs de ce groupe qui a permis aux participantes de prendre appui pour aller vers l'extérieur et pour changer le regard posé sur elles mêmes.
L'impact sur l'accompagnement social en général s'en trouve simplifié, fluidifié, et la pratique du travail social toute de suite efficiente. L'ISIC vient mettre en quelque sorte un coup d'accélérateur sur l'accompagnement social. Tout semble plus clair, sans filtre, franc, sain. Elles ont pu expérimenter le lien de confiance avec moi et je connais mieux leurs peurs, leurs freins, je peux donc mieux en tenir compte dans mon accompagnement.
 
 
L'ISIC est une démarche de liberté et d'humanité. Mise en place dans de bonnes conditions, elle ne peut apporter que du bien être à l'usager, elle lui permet d'exister, de prendre confiance pour prendre appui et se projeter vers l'extérieur. Elle est valorisante pour le professionnel parce que les résultats se font sentir très rapidement.
Nombre de collègues ont peur de se lancer. Mais elles ont eu cette formation sur L'ISIC, elles sont formées et expérimentées à l'entretien et aux outils d'entretien : reformulation, observation du non verbal, valorisation, écoute bienveillante, etc... C'est tout ce que les usagers demandent. Il n'est pas nécessaire d'avoir des ambitions trop grandes. Tout ce que les personnes demandent, c'est un espace de paroles, et une écoute bienveillante, être pris en compte en tant que sujet-acteur... Et cela nous savons le faire mieux que personne. La relation humaine, c'est ce que nous savons faire de mieux, c'est l'essence même de notre profession.
 
Sylvie MIAUT-KOWALCZUK                    
Assistante sociale

Samedi 16 Septembre 2017




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