Association nationale des assistants de service social

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Procès d'un réseau de pédophilie à Angers :


les services sociaux ne doivent pas être les boucs émissaires d’un procès à sensation fortement médiatisé. Déjà des journaux annoncent que "les services sociaux risquent d'être les 67èmes accusés du procès" qui débute ce jeudi et qui est prévu pour durer 4 mois. Dans un article paru dans le Figaro du 28 février, il est d'ores et déjà indiqué que « l’inertie des services sociaux est en accusation » avant même le début du procès. C’est pourquoi nous ne pouvons accepter de telles accusations portées à l'encontre de professionnels et des services qui ont fait leur travail à la mesure des informations dont ils ont disposé.



Procès d'un réseau de pédophilie à Angers :
Rappelons les faits : 66 personnes comparaissent à partir de ce jeudi 3 mars devant le tribunal d'Angers dans le cadre d'un dossier de pédophilie qui est le plus important en France quant au nombre d'inculpés mais aussi de victimes. Les victimes sont des enfants âgés au moment des fait de 6 mois à 14 ans. la révélation des faits et l'enquête ont permis de mettre en place une protection et un accompagnement spécifique auprès de 45 enfants. Il est possible que d’autres mineurs soient concernés.

Nos collègues travailleurs sociaux d’Angers sont fortement éprouvés d’avoir été à ce point manipulés et de n’avoir pas eu connaissance des faits qu’ils auraient bien évidement dénoncés pour protéger les enfants.

Ces enfants et adolescent auront besoin d'être soutenus et accompagnés pour se reconstruire. Nous espérons que leur identité sera préservée et qu'ils n'auront pas à subir de pressions qu'elles soient médiatiques ou judiciaires.

La question que pose déjà la presse aiguillée en cela par les avocats des principaux accusés est la suivante : "Pourquoi les travailleurs sociaux n’ont-ils pas vu ou pas su voir des faits aussi graves ?"

En cela nous répondrons en plusieurs points.

- D’abord il faut se méfier de la vision des faits notamment avant et après une révélation : Ils paraissent évidents une fois qu’ils sont révélés alors qu’ils étaient inimaginables lorsqu’ils étaient cachés.

- Repérer une maltraitance peut parfois être quasi-impossible : Si aucun signe d’alerte n’est visible sur le corps, dans le comportement et dans les propos de l’enfant, il est impossible de conclure à l’existence d’une maltraitance.

- Dans le cas présent nous avions bien des signes mais ceux ci étaient sans commune mesure avec les faits car en effet une maltraitance peut en masquer une autre. Ainsi plusieurs informations pour carences éducatives ont été engagées par les professionnels mandatés pour intervenir auprès des enfants. Les problèmes exprimés par les enfants ou décelés par les professionnels ont été attribués à d’autres causes.

- Nous savons aussi que certaines personnalités perverses au sens psychiatrique du terme, disposent d’une capacité de manipulation extrêmement puissante. Ces personnes paraissent très crédibles. Elles peuvent non seulement tromper la vigilance des travailleurs sociaux mais aussi celle des policiers et des magistrats... et des avocats .

- Enfin La loi du silence au sein des familles est suffisamment forte pour qu’aucun enfant ou adolescent ne puisse parler pendant longtemps. D’ailleurs combien de « secrets de familles » ne sont jamais révélés ?...

Ainsi en prenant la mesure de ces réalités on comprendra alors que malgré le travail des professionnels, ces maltraitances aient pu rester un certain temps cachés. Seule une investigation policière poussée a pu mettre en lumière les activités criminelles à l’encontre des mineurs.

Les travailleurs sociaux et leurs institutions vont rendre compte du contenu de leurs interventions au cours de ce procès. Ils ont déjà été entendus au cours de l’instruction. La justice a compris combien ces professionnels ont pu être manipulés et n’a engagé aucune poursuite à leur encontre.

Voilà de quoi alimenter une vision manichéenne : n’y aurait-il pas collusion entre les pouvoirs en place pour ne pas tout dire ? Cette hypothèse sera d’autant exprimée qu’elle permet d’alimenter les thèses de la défense . Elle suit en cela une stratégie clairement énoncée depuis plusieurs mois par l’avocat des principaux accusés : faire de ce procès celui des services sociaux au lieu d’engager le procès de la pédophilie et surtout de l’exploitation sexuelle des enfants dans un système organisé et criminel. L’avocat de la défense en multipliant les accusations envers les services sociaux tente aussi de minimiser la réalité de ces crimes.

Or La lutte contre le crime organisé relève de la police et non pas des services sociaux qui ne sont pas compétents en la matière.

Les services sociaux dès qu’ils ont connaissance de faits mettant en danger des enfants saisissent systématiquement la justice : ainsi en 2003, 89000 enfants ont été signalés par les services sociaux en France. 52000 situations ont été orientées vers le judiciaire alors que 37000 familles ont été orientées avec leur accord vers une mesure administrative. Ce n’est pas rien, et de cela on n’en parle pas.

La protection de l’enfance reste donc une priorité des services sociaux mais il est faux aussi de dire qu’ils ne se concertent pas et n’agissent pas. D’ailleurs lorsqu’ils signalent des faits à la justice il leur est aussi arfois reproché de le faire trop souvent et d’agir contre l’intérêt des familles.

Aussi ne faut-il pas oublier que la protection les mineurs reste l’affaire de tous :

Il reste nécessaire de rappeler que les services sociaux mais aussi tous les citoyens (voisins, relations proches des enfants et des familles, collègues de travail ou de loisirs, simple particulier...), tout le monde est concerné par la loi dès lors qu’il s’agit d’éviter des crimes d’autant plus lorsqu’ils concernent des mineurs dans l’incapacité de se défendre. C’est pourquoi poser en quelque sorte la question de la responsabilité des travailleurs sociaux qui ont répondu de leurs actes professionnels au cours de l’instruction est aussi une façon de « dédouaner » la responsabilité de tout un chacun. D’ailleurs quand tout va mal, n’entendons nous pas communément dire « mais que font les services sociaux ? ».

On ne peut pas dire en cela que le dispositif de protection de l’enfance fonctionne mal et qu’il est inadapté. Mais bien évidemment, il peut être amélioré. L’affaire d’Angers doit provoquer une réflexion des professionnels et de leurs institutions sur leurs organisations et le suivi des mesures de protection. Il faut aussi pouvoir s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour éviter que de tels faits ne puissent se reproduire. Et nous notons que les services du Conseil Général ont pris depuis la révélation de cette affaire, des moyens conséquents et adaptés. Certains diront que c’est un peu tard et nous répondrons qu’il n’est jamais trop tard pour agir lorsqu’il s’agit de protection de l’enfance et de prévention des abus sexuels.

Pour autant il faut aussi être en capacité de comprendre qu’il ne sera jamais possible de prévoir et d’empêcher toutes les situations de maltraitance en France. Tout au plus pourra-t-on les limiter et en réduire le nombre de façon conséquente. Mais pour cela il faudra d’autres moyens que ceux qui nous sont actuellement dévolus.

Mercredi 2 Mars 2005




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