Association nationale des assistants de service social

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Les conditions pour plus d’assistant(e)s de service social en commissariat et brigades


Compétences, Appartenance Institutionnelle et Capacités de positionnement, tels sont les points spécifiques à préciser pour ces postes de travail. Les postes de travailleurs sociaux en commissariat, un peu plus d’une vingtaine actuellement, semblent appelés à se multiplier. Depuis quelques années, l’ANAS a été particulièrement vigilante. Un bilan en a été fait lors du comité national du 26 novembre 2005.



Les conditions pour plus d’assistant(e)s de service social en commissariat et brigades
Plusieurs types d’intervenants occupent ces postes. Nous ne parlons ici que des Assistant(e)s de service social.
I Un premier bilan
Ce bilan est fait en prenant en compte des témoignages directs d’ASS et d’autres TS en commissariats, mais aussi des articles Les travailleurs sociaux en commissariat : traîtres ou précurseurs ? (Revue Lien Social n° 698 du 28 février 2004) et Travailleur Social en commissariat : Un nouveau métier en quête d'identité ? (ASH N° 2393 du 4 février 2005). Il apparaît ainsi que ce type de poste :

- Répond à un besoin, celui de garantir un traitement social aux situations de détresse sociale rencontrées par les services de police et de gendarmerie. Comme sur un service d’urgence hospitalier, l’accueil dans ces établissements publics se situe dans un temps de souffrance voire de crise. Les professionnels du service social ont donc là un nouveau territoire d’intervention possible.

- Ouvre à un public nouveau pour le service social. Il est ainsi noté qu’au moins la moitié des personnes reçues n’avaient jamais eu de contact avec un service social auparavant. Pour certains il semble que ce lieu soit jugé moins stigmatisant qu’un centre social « classique » et qu‘ils s‘y sentent en confiance.

Cette place est de plus en plus reconnue :

- Par les fonctionnaires de police et de gendarmerie qui ont très rapidement constaté l’utilité de ce type de prise en charge pour lequel ils ne sont pas formés et qui ne relève pas de leurs cœurs de métier.

- Par les travailleurs sociaux, même si c’est avec une grande vigilance que ces professionnels ont été observés. Néanmoins, les représentations des ASS de ce secteur semblent évoluer dans le sens d’une reconnaissance de leur utilité et une confiance qui s’installe.

- Par les décideurs politiques et administratifs. L’Inspection Générale de l’Administration a ainsi fait un rapport qualifié d’élogieux sur ces postes. Les décideurs ont ainsi une visibilité et une compréhension de la profession d’assistante de service social qui pourrait aussi être un atout pour l’ensemble de la profession.


Ces professionnels apportent une amélioration des réponses aux problèmes des personnes. Par le travail en réseau avec les autres services sociaux et tous les partenaires nécessaires, mais aussi par le travail d’interface avec les services de police. Contrairement aux craintes exprimées (« Il y a de grands risques de confusion entre la mission et le lieu d'exercice » ; « L'usager doit se tourner vers un travailleur social non pas dans un but de plainte, de réparation, de justice, mais pour reconstruire sa personne. »), ces professionnels ne se cantonnent pas à un accompagnement vers la plainte mais développent une aide globale à la personne. Le passage par l’ASS en commissariat n’est pas un accompagnement sur la durée, mais un passage qui amène vers des services spécialisés ou de secteur, ce qui limite le risque de confusion.

Leur indépendance ? Nécessaire et respectée : les ASS nous ayant fait part de leur expérience soulignent que si elles ont accès à toutes les informations nécessaires détenues par les policiers, elles ne sont jamais sollicitées par ces derniers pour avoir les informations en leur possession.

L’importance du rattachement institutionnel est soulignée par les professionnels. Le fait d’être sous l’autorité du Conseil général leur permet d’être indépendants de la hiérarchie policière ou du Préfet. Cette position pourrait apparaître garantie aussi si l’ASS est employé par une association (d’aide aux victimes par exemple). Cependant, ce type de structure, dépendante de subventions et pouvant avoir des représentants de l’Etat au sein de ses instances de direction (un procureur par exemple) n’offre pas la même garantie qu’un Conseil Général.

La déontologie au cœur des pratiques : les différents témoignages dont nous disposons montrent que ces professionnels sont particulièrement vigilants quant au respect de la déontologie professionnelle. Leur vigilance sur ce point essentiel est d’après eux respectée par les policiers.

Ces emplois ouvrent-ils sur un nouveau métier ? C’est en tous cas ce qu’affirme l’Association des travailleurs Sociaux en Commissariats et Brigades. Cependant, pour les assistants de service social, il s’agit plutôt d’un nouveau territoire d’exercice et un public en partie nouveau. Le référentiel d’activités des ASS comprend les pratiques de ces professionnels et la méthode d’intervention en temps de crise est utilisée par eux comme par leurs collègues des autres services. Les ASS en commissariats et brigades ne sont finalement pas des professionnels différents.

II Rôle des ASS
La présentation faite par notre collègue Isabelle Paineau, ASS en commissariat, lors des journées d’études de Bordeaux (juin 2004) permet de mieux comprendre son rôle :

« L’intervention d’Isabelle Paineau n’est jamais simultanée à celle des policiers. Elle peut la suivre comme avoir lieu plusieurs jours ou semaines, voire mois, plus tard. Cela dépend entièrement de la volonté de la victime : certaines ont besoin d’un accompagnement immédiat tandis que d’autres ont d’abord besoin d’un temps de latence. L’important est donc d’être à la disposition de ces personnes et de le leur faire savoir.
L’intervention consiste d’abord à accueillir les victimes et écouter leur souffrance. L’approche d’Isabelle Paineau est psychosociale : le but est de comprendre le sens que peut recouvrir pour une victime l’événement qu’elle a subi. »

III ASS en commissariats et politique sécuritaire
Dans un débat aussi sensible, quelques rappels sont nécessaires. Il convient de souligner que l’apparition des travailleurs sociaux en commissariat date de plus de 15 ans et qu’elle est consécutive à une demande provenant du terrain. Le premier de ces postes fut créé à Chartres en 1989. Puis ce fut Limoges en 1991. L’objectif était de répondre aux problématiques sociales rencontrées par les personnes exprimant leurs demandes auprès du commissariat de police. Là comme partout en France, les policiers notaient depuis longtemps que la majorité des demandes leur parvenant étaient sociales, appelant une réponse sociale et pas policière. Ce ne sont donc pas les « années Sarkozy » qui ont générées ce type de poste.

Par contre, ces postes sont régulièrement mis en avant par l’actuel Ministre de l’Intérieur et sont ainsi associés à la dimension sécuritaire qui fonde sa politique. Cependant, il apparaît réducteur de relier ces postes à une politique sécuritaire. Ils ne sont pas nécessairement plus exposés actuellement que les autres postes d’ASS car le cadre légal et déontologique est clair. Il reste la question de l’éthique du professionnel, ce qui n’est pas propre à ce type de poste. Par contre, il existe des demandes d’aller plus loin dans le partage d’informations. Mais ces demandes concernent l’ensemble des acteurs du social soumis au secret professionnel.

L’instrumentalisation des professionnels est un danger constant et général. Nous vivons une période où le Ministre de l’Intérieur pousse en ce sens. Il n’est pourtant pas possible de refuser cette prise de risque alors qu’un réel besoin d’une présence d’assistants sociaux apparaît. Il nous semble au contraire que notre profession possède des atouts non-négligeables lui permettant d’être présente dans les commissariats à partir de repères explicites et assumés, offrant un cadre de travail respectueux de la déontologie professionnelle.

De plus, l’existence d’intervenants sociaux ayant des formations disparates (éducateur spécialisé, universitaire, etc.) nous amène à opter pour une « politique de réduction des risques ». Car comme le soulignait Luc Rudolph, président de l’association des travailleurs sociaux en commissariats et brigades, « Il est important que des professionnels soient recrutés, car on ne s'improvise pas travailleur social ».

IV Conditions de cette présence
A partir des constats posés ci-devant, nous encourageons la création de postes d’Assistants de Service Social en commissariats et brigades de gendarmeries sous certaines conditions :

- La convention liant les institutions créatrices du poste doit préciser que le professionnel est soumis au cadre légal et déontologique en matière d’échanges d’informations.

- Le recrutement : afin que la confiance existe avec ce professionnel et qu’un accompagnement de qualité soit offert aux usagers, le poste doit être occupé par un ASS expérimenté et au clair avec les exigences légales et déontologiques liées à sa profession.

- L’appartenance institutionnelle : l’ASS est en relation fonctionnelle avec les services de police et les partenaires sociaux, il doit être en relation hiérarchique avec une collectivité territoriale pouvant se positionner avec force et inscrivant ce poste au sein d’un réseau social de la même institution. Les Conseils Généraux ont vocation à être les employeurs et pilotes de ces professionnels.

- Avoir notre définition de la victime : définition de l’ONU en la matière qui considère comme victime toute personne qui a le sentiment de l’être suite à un événement qu’elle a subi, pas seulement lorsqu’elle est victime d’une infraction pénale.

- Ne pas laisser isolé ce professionnel. Il doit être associé régulièrement à des formations et analyses avec d’autres collègues assistants de service social. Cela renforce la confiance et facilite un positionnement clair de l’ASS.

- La politique de formation à l’accueil des fonctionnaires de police ne doit pas être réduite en raison de l’apparition de ce genre de postes. L’accueil en commissariat ne peut être remplacé par celui de l’assistant de service social : il le complète.

Position adoptée lors du Comité National du 26 novembre 2005.


Jeudi 2 Février 2006




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