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COMPTE RENDU du débat à l'assemblée nationale sur l'article 5 du projet de loi sur la prévention de la délinquance


Vous trouverez ici les interventions des parlementaires sur la question du secret professionnel et la transmisssion des informations aux maires. les éléments de modifications que nous avons proposés dans cet article ont été débattus mais pas retenus.



COMPTE RENDU du débat à l'assemblée nationale sur l'article 5 du projet de loi sur la prévention de la délinquance
avant l'Art. 5 (amendements précédemment réservés)

Mme Patricia Adam – Je remercie M. Bas d’être présent pour la discussion de l’article 5, l’un des plus contestés de ce projet. En revanche, je suis surprise que M. Sarkozy et M. Estrosi ne soient là ni l’un ni l’autre. Les trois amendements que nous présentons avant l’article 5 sont une alternative à cet article, dont nous souhaitons la suppression. Il n’est pas raisonnable en effet d’évoquer l’action sociale et la protection de l’enfance dans un texte sur la prévention de la délinquance.

M. Patrick Braouezec – Tout à fait d’accord.

Mme Patricia Adam – C’est également ce que pensent beaucoup de professionnels.
Ces trois amendements font référence au rapport du sénateur Nicolas About, au fameux rapport Bloche-Pecresse sur l’enfance et la famille et au plan de cohésion sociale de M. Borloo, en particulier dans les articles relatifs au contrat de responsabilité parentale et à la délégation de compétences des présidents des conseils généraux et des maires.
Le premier, l’amendement 673, vise à compéter l’article L. 121-1 du code de l’action sociale et des familles en précisant que le département définit et met en œuvre, outre la politique d’action sociale, la politique de prévention spécialisée.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois – La commission ne l’a pas examiné mais à titre personnel j’y suis défavorable car il est satisfait par l’article L. 121-2, qui évoque déjà cette compétence.

M. le Rapporteur pour avis – Je partage l’avis du président Houillon. À l’article L. 121-1, qui a un caractère synthétique, il n’y a pas lieu de citer la prévention spécialisée, pas plus que d’autres domaines spécifiques d’action tels que l’aide aux handicapés.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable pour la même raison. Dans un article général, on ne peut pas commencer une énumération.

M. Noël Mamère – Nous regrettons que M. Bas n’ait pas été présent vendredi car nous avions déjà évoqué la prévention spécialisée. J’avais souligné que ce projet marque une dérive en rattachant la prévention spécialisée à la prévention de la délinquance, en même temps qu’il remet en cause la fonction essentielle des travailleurs sociaux, basée sur la confiance et la confidentialité.
L'amendement 673, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Patricia Adam – Notre amendement 708 est de cohérence avec le projet sur la protection de l’enfance, qui a déjà été débattu au Sénat. Il reprend pour partie son article 5, afin d’organiser l’échange d’informations, en cette matière, entre le président du conseil général et le procureur. C’est cohérent avec les dispositions de ce projet sur la prévention de la délinquance, qui prévoit la transmission d’informations entre le maire et le procureur en matière de sécurité et d’ordre public. Adopter cette disposition éviterait beaucoup de questions relatives au secret professionnel.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement, mais j’y suis, là encore, défavorable car c’est une disposition qui figure en effet dans le projet sur la protection de l’enfance, déjà adopté par le Sénat. Je demande au ministre de bien vouloir confirmer que ce projet viendra en discussion devant l’Assemblée prochainement.

M. le Rapporteur pour avis – Les membres de la commission des affaires sociales, à commencer par Mme Pecresse, attendent avec impatience cette discussion !

Mme Valérie Pecresse – Eh oui !

M. le Ministre délégué – Je confirme bien volontiers que ce texte, auquel le Gouvernement est particulièrement attaché, sera inscrit prochainement à l’ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale.
Nous avons veillé avec le ministre de l’intérieur à bien séparer les deux projets car ils n’ont pas le même objet. Nous ne souhaitons donc pas, évidemment, que des dispositions de l’un soient insérées dans l’autre, d’autant plus que la loi spéciale sur la protection de l’enfance déroge à la loi générale sur l’organisation du travail social. Mélanger les deux textes serait source de confusion.
Cela étant, Madame la députée Adam, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à la protection de l’enfance ; le fait que vous vouliez reprendre mot pour mot certaines dispositions de mon projet augure bien du soutien que votre groupe lui apportera !

M. Jean-Marie Le Guen – Il y a un consensus chez les professionnels de l’enfance : les textes sur la protection de l’enfance sont la pierre angulaire de toute réflexion en la matière, les mineurs violents ayant eux aussi la plupart du temps subi des violences. C’est pourquoi nous étions tous d’accord pour dire que le texte sur la protection de l’enfance devait être examiné avant celui sur la prévention de la délinquance, qui est en l’occurrence un véritable fourre-tout. Nous assistons en outre à une véritable mascarade. Nos collègues de la majorité ne sont même pas d’accord entre eux et c’est la presse qui nous l’apprend ! Une bataille extraordinaire se livre en coulisse sur certains articles : M. le rapporteur, M. le Garde des Sceaux, M. le ministre de l’intérieur s’étripent dans des réunions d’où les parlementaires sont bien entendu exclus. On nous annonce également que M. Sarkozy daignera passer par l’hémicycle à l’occasion de la discussion de tel ou tel article alors qu’il ne nous honore pas de sa présence quand il s’agit d’en discuter dans sa globalité. Enfin, il prend des positions contradictoires sur des questions d’actualité très graves. M. Goasguen se fait son porte-parole pour expliquer en l’occurrence que la loi sera appliquée, qu’un décret sera pris à la fin de la semaine et qu’une commission se réunira lundi alors que l’on ignore quelles seront les associations de supporters qui seront concernées. On est dans la confusion la plus totale !

M. Pierre Cardo – Pourrait-on travailler ?

M. Noël Mamère – Je suis tout à fait d’accord avec M. Le Guen.

M. Claude Goasguen – Zig et Puce !

M. Noël Mamère – Manifestement, l’action gouvernementale manque de coordination…

M. Claude Goasguen – Laurel et Hardy !

M. Noël Mamère – …en particulier entre MM. Sarkozy et Bas, le présent projet contredisant les orientations de celui relatif à la protection de l’enfance. On comprend d’ailleurs, Monsieur Bas, que vous ayez mis du temps à venir vous expliquer devant nous et que vous ne soyez guère enthousiaste à l’idée de défendre le projet de M. Sarkozy puisqu’il tord le cou à vos propres préconisations ! J’ai de plus le sentiment que M. le ministre de l’intérieur recule dans la foire d’empoigne qui se joue au sein de la majorité sur ce texte électoraliste qui ne sert qu’à monter une partie de la population contre l’autre, à accroître exagérément les responsabilités des maires et à miner le fondement démocratique de notre société. Quant à nous, comme il est de notre devoir, nous discutons, nous réfutons, nous proposons.
Vous serez comptables devant les Français de ce braconnage sur les terres de l’extrême droite. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Pecresse – Mais on parle d’une question sociale !

M. Noël Mamère – Pour l’honneur de la République, j’espère que les électeurs feront payer celui qui fait de la sécurité une variable d’ajustement de ses ambitions présidentielles !

Mme Henriette Martinez – Je regrette une telle polémique.

Madame Adam, je suis d’accord avec vous sur le fond et je voterai votre amendement si vous le déposez lors de l’examen du texte sur la protection de l’enfance. Si tel n’est pas le cas, je m’abstiendrai, mais j’espère que vous le retirerez. Monsieur Le Guen, je suis également d’accord avec vous lorsque vous dites que la différence est ténue entre enfants victimes et enfants délinquants, sachant que nombre de détenus sont passés par des institutions de protection de l’enfance – d’où, d’ailleurs, un échec patent. Nous attendons donc impatiemment le texte de M. Bas.

M. Noël Mamère – Je remercie Mme Martinez, mais ce n’est pas d’un échec de la politique de l’enfance qu’il s’agit : c’est d’un manque de moyens ! Voulez-vous que l’on regarde les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse ou des travailleurs sociaux ?
M. Jean-Marie Le Guen – Que le Gouvernement supprime les articles 18 à 24 – M. le président de la commission des affaires sociales a d’ailleurs demandé leur retrait – et que l’on discute de la loi sur la protection de l’enfance ! C’est ainsi que nous gagnerons du temps ! J’attends une réponse de M. le ministre délégué.
L'amendement 708, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Patricia Adam – Je ne peux vous laisser dire, Monsieur le ministre délégué, que ces deux textes n’ont rien à voir. Il est par exemple question du secret professionnel partagé dans ce texte-ci, comme dans votre propre loi. J’ajoute que, si nous sommes ravis de votre présence, nous nous étonnons de l’absence de M. Estrosi, lequel aurait bien aimé vendredi soir que l’article 5 soit examiné sans vous.
L’amendement 709 tend à ce que les informations nominatives détenues par une personne tenue au secret professionnel ne soient transmises qu’à des personnes elles-mêmes soumises au secret professionnel. Tout manquement à cette obligation devra être sanctionné car cette relation de confiance est au fondement de l’action sociale.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement mais j’y suis, à titre personnel, défavorable pour une question de forme : c’est l’article 5 qui traite en effet des questions liées au secret professionnel et un sous-amendement de Mme Pecresse reprendra votre idée. Ne compliquons donc pas les choses !

M. le Ministre délégué – L’article L. 226-13 du code pénal permet déjà de sanctionner toute personne non soumise au secret professionnel qui viendrait à recevoir une information de la part d’une personne soumise au secret professionnel et la divulguerait. En conséquence, avis défavorable.
L'amendement 709, mis aux voix, n'est pas adopté.

art. 5 (précédemment réservé)

M. Noël Mamère – Le secret professionnel est sérieusement mis à mal par cet article 5, qui est l’épine dorsale du texte. Le débat autour du secret partagé est régulièrement relancé depuis quelques années. Lors de l'examen de la loi du 22 juillet 1992 sur le nouveau code pénal, le Parlement avait refusé de consacrer cette notion.
Une circulaire conjointe des ministères de la justice et de la santé a donné une sorte de mode d'emploi du secret partagé le 21 juin 1996 : " II convient, dans cette hypothèse, de ne transmettre que les éléments nécessaires, de s'assurer que l'usager concerné est d'accord pour cette transmission, ou tout au moins qu'il en a été informé, ainsi que des éventuelles conséquences que pourra avoir cette transmission d'informations, et de s'assurer que les personnes à qui cette transmission est faite sont soumises au secret professionnel et ont vraiment besoin, dans l'intérêt de l'usager, de ces informations. "
L’article 5 paraît fort éloigné de ces préoccupations. Le texte part du principe qu’une bonne politique de prévention de la délinquance passe par une clarification des missions qui vise à assurer la continuité et la cohérence de l'action sociale et éducative. C'est dans ce cadre qu’il autorise le partage d'information, mais sans faire référence à l'accord préalable de la personne concernée. Or si les atteintes à la confidentialité sont possibles, elles doivent, selon nous, être strictement encadrées et compatibles avec le respect de la vie privée.
La confidentialité est un principe fondamental du travail social. Elle est même consubstantielle à son exercice, puisqu’elle permet de travailler en confiance avec les familles. Or le texte soumet la vie privée et familiale des personnes à un contrôle administratif lourd et intrusif.
Dans l’avis qu’elle a rendu le 13 juin 2006 sur votre projet, la CNIL a rappelé que " le partage d'informations relatives à des personnes identifiées entre travailleurs sociaux est légitime, dès lors qu'il est strictement nécessaire à leur prise en charge et est réalisé dans l'intérêt des personnes concernées. " Si la CNIL a considéré que le texte allait dans ce sens, elle a souligné que " demeure la disposition selon laquelle les informations confidentielles nécessaires à l'exercice des compétences dans les domaines sanitaire, social et éducatif peuvent être révélées au maire ou à son représentant par le professionnel intervenant seul et le coordonnateur. "
Ce texte est inefficace, anticonstitutionnel et dangereux. Il repose sur l’idée selon laquelle le secret professionnel serait un obstacle à la protection des personnes. La fin justifierait donc les moyens : la protection des personnes vulnérables vaudrait bien une entorse à la vie privée de chacun. Une meilleure coordination des services sociaux serait un gage d'efficacité et permettrait d'éviter certains drames.
Ce texte est contraire à nos engagements internationaux. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne mentionne pas les difficultés sociales, éducatives ou matérielles parmi les exceptions rendant possible la levée du secret professionnel. La formulation vague du texte n'est par ailleurs pas conforme au principe de précision de la loi pénale, qui a valeur constitutionnelle. Ceux qui s'adressent aux services sociaux éprouvent tous " des difficultés sociales, éducatives ou matérielles " nécessitant l'intervention de plusieurs acteurs. Tous seraient donc susceptibles d'être signalés au maire ! Le secret professionnel est un indicateur de la valeur démocratique des sociétés : seuls les États soucieux de tolérance protègent les personnes dans ce qui concerne leur santé, leurs moeurs, leur appartenance ethnique, politique, religieuse ou philosophique. L'agonie du secret professionnel est donc un danger pour nos institutions et pour le citoyen qui se veut libre.
Le texte établit de surcroît un lien dangereux entre difficultés sociales et délinquance. Il obligerait les travailleurs sociaux à signaler au maire les personnes en situation d'irrégularité, qui connaissent des difficultés matérielles, sachant que le maire, en tant qu'officier de police judiciaire, doit signaler les délits au procureur de la République. Les professionnels du secteur social deviendraient ainsi des délateurs obligés. C’est la raison pour laquelle ils n’ont cessé de nous alerter.

M. Jacques-Alain Bénisti – Vous avez une belle opinion des maires !

M. Noël Mamère – En tout cas, ils ne veulent ni devenir destinataires d’informations privées, ni rendre des comptes au procureur de la République. Nous ne sommes ni chez Orwell ni chez Aldous Huxley !

Mme Valérie Pecresse – Je m’explique mal l’ampleur de la polémique suscitée par ce texte. Sans doute l’opposition est-elle heurtée par l’idée que notre politique de lutte contre la délinquance inclue désormais un grand volet préventif, et par le fait qu’un texte défendu par le ministre de l’intérieur la concurrence sur le terrain social.
Cet article 5 est crucial. Il reconnaît – et j’en suis fière – le rôle prééminent de l’action sociale et éducative dans la lutte contre la délinquance. Cela ne devrait pas vous déranger qu’on parle d’action sociale !
Venons-en à la genèse de cet article. Mme Adam a parlé à propos de la mission famille, dont j’étais rapporteure, de rapport Bloche-Pecresse : dois-je lui rappeler que M. Bloche, qui présidait la mission, a voté contre mon rapport (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), même si sur le volet protection de l’enfance, nous avons été unanimes ?

M. Jean-Marie Le Guen – Vous n’êtes pas polémique : c’est bien !

M. le Président – Le temps des femmes est venu, chers collègues ! Cela s’applique à tous ! (Sourires)

Mme Valérie Pecresse – Seules certaines femmes ont le droit de finir de s’exprimer au parti socialiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
La mission famille a reconnu unanimement que le cloisonnement des services publics posait problème s’agissant de la protection de l’enfance et de l’action sociale. Entre le conseil général, compétent en matière de protection de l’enfance, et les maires, confrontés chaque jour au problème de la prévention de la délinquance, il n’y a pas toujours de dialogue. Le maire de Drancy ici présent nous en a donné un exemple éclairant s’agissant d’un cas de maltraitance.
Notre mission a donc estimé que, lorsqu’il existe des informations préoccupantes faisant craindre que la vie d’un enfant est en danger, il est nécessaire que les professionnels se parlent, quand bien même la vie privée serait en jeu.

M. Patrick Braouezec – Mais ils parlent déjà !

Mme Valérie Pecresse – C’est pourquoi nous avons proposé la création d’une cellule de signalement unique. Cela évitera que l’irréparable soit commis alors que chacun avait une pièce du puzzle.
S’agissant de la prévention de la délinquance, ce texte confère un rôle central au maire. Là encore se pose la question des informations qui lui sont communiquées. Il faut bien sûr définir les conditions du partage d’informations, de manière cohérente avec le texte. Ces dispositions ne peuvent donc être identiques à celles du projet de loi sur la protection de l’enfance. Des contraintes particulières s’imposent en effet s’agissant de la prévention de la délinquance – sécurité publique, sécurité des personnes.
L’article 5 repose sur cinq principes. La précaution d’abord : les informations communiquées doivent être strictement nécessaires à l’exercice des compétences d’action sociale du maire. Dès lors que ce principe est respecté, il n’y a pas d’atteinte à la vie privée. Pour conforter les travailleurs sociaux dans leur mission de soutien et d’assistance aux familles sans compromettre l’efficacité de notre politique, nous proposons de désigner un coordonnateur en la personne d’un des travailleurs sociaux concernés. C’est une disposition cardinale du texte.
Nous prévoyons également une coopération étroite entre le maire et le président du conseil général – ce qu’il faudra faire aussi dans le projet de loi relatif à la protection de l’enfance.
J’en viens à l’information des familles sur le partage de certaines données qui les concernent. Cette question ne se pose qu’à condition que cette information ne mette en cause ni la sécurité des personnes, ni l’efficacité des politiques menées.

M. Jacques-Alain Bénisti – Très bien !

Mme Valérie Pecresse – Il n’est donc pas question de solliciter l’accord des familles lorsqu’un
enfant est en danger ou en matière de prévention de la délinquance : cet accord ne serait pas obtenu.
Il faut enfin soumettre au secret professionnel les maires et les présidents de conseil général qui deviennent détenteurs d’informations. Le Sénat l’a prévu. Un amendement risque de supprimer cette disposition, qui doit à mon sens être maintenue. Dès lors qu’on est détenteur d’une information couverte par le secret professionnel, on doit y être tenu. Cet article 5 est donc cohérent avec le dispositif prévu en matière d’action sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Mme Patricia Adam – Nous avons en effet beaucoup discuté de ces questions avec Mme Pecresse. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de la coordination. Mais dans quelles conditions, dans quel texte et à partir de quelles compétences ? Les lois de décentralisation, la loi sur la protection de l’enfance ? Le décret publié en septembre sur le contrat de responsabilité parentale confirme le rôle de chacun. C’est bien le président du conseil général qui est confirmé comme le coordonnateur des politiques d’action sociale.
Dans son rapport, le sénateur Nicolas About, qui n’est pas de ma famille politique, écrit à ce sujet des choses que je pourrais cosigner sans problème. Il souligne ainsi que la coordination de l’action sociale relève, depuis les premières lois de décentralisation, du département et que, malgré quelques imperfections, on ne peut que se féliciter de la façon dont les conseils généraux assument cette mission. Il faut, nous dit-il, éviter une confusion des rôles qui pourrait provoquer des malentendus regrettables : l’action sociale en faveur des familles en difficulté a une vocation beaucoup plus large que la seule prévention de la délinquance. Si le maire, écrit encore M. About, est le mieux placé pour veiller à la sécurité au niveau local, il n’est pas certain qu’il en aille de même en matière d’action sociale…

M. Jacques-Alain Bénisti – Quelle opinion avez-vous donc des maires ?

Mme Patricia Adam – …car la plupart des moyens disponibles en la matière relèvent, non pas de la commune, mais bien du président du conseil général. Il serait donc paradoxal, conclut M. About, de voir le maire coordonner l’intervention de services qui relèvent pour l’essentiel d’autres collectivités, au premier rang desquelles le département.
M. Nicolas About craint d’autre part que le présent projet crée aussi la confusion en ce qui concerne le partage des informations, dans la mesure où il retient une procédure différente de celle retenue pour la protection de l’enfance. Dans ces conditions, il sera difficile aux travailleurs sociaux de savoir s’ils doivent ou non, s’ils peuvent ou non, transmettre les informations relatives à certaines familles.
J’ai entendu l’argument selon lequel le texte sur la protection de l’enfance et celui sur la prévention de la délinquance n’auraient rien à voir, Monsieur le ministre, mais ils se rapportent bien tous deux au même code et concernent les mêmes professionnels. Mieux vaudrait donc qu’ils soient cohérents !
La confusion créée par ce projet est dangereuse, car si les travailleurs sociaux perdent la confiance des familles, c’est le travail social lui-même qui ne sera plus possible, et l’on passera d’une politique d’aide aux famille à une politique purement sécuritaire.

M. Jean-Marie Le Guen – Le débat serait assez différent si nous étions sous mandat unique. Cela éviterait à des collègues de se sentir remis en cause dans certaines de leurs autres fonctions.
Les maires sont confrontés à une énorme demande de sécurité de la part de la population. Cette demande peut susciter chez eux un désir de contrôle total de la situation, désir qui conduit au mieux à la désillusion, car on ne tarde pas à constater l’inefficacité des mesures prises dans cet esprit, au pire à un monde orwellien, où les maires deviendraient dépositaires de toutes les informations concernant leurs administrés – ce qui, à partir d’une certaine taille de la commune, n’est de toute façon pas possible.

M. Jacques-Alain Bénisti – Le maire n’est pas seul.

M. Richard Dell'Agnola – Il y a des services municipaux.

M. Jean-Marie Le Guen – Précisément ! J’entends certains collègues de bonne foi clamer que leur déontologie ferait que les secrets qui seraient portés à leur connaissance seraient entre de bonnes mains, mais vous reconnaissez vous-même que ces secrets seraient confiés aux services municipaux !
Il y a dans ce projet une tension permanente entre protection de l’enfance et prévention de la délinquance. La question que nous devons nous poser est celle-ci : les travailleurs sociaux sont-ils missionnés par la puissance publique au nom de la défense de l’enfance ou au nom de celle de l’ordre public ? Il me semble que toute l’action du travailleur social est légitimée par la défense de l’intérêt de l’enfant. C’est ce qui fonde sa déontologie. Et si le texte sur la protection de l’enfance permet un partage du secret professionnel entre différents intervenants, c’est précisément parce que ces intervenants sont liés par une même déontologie et ont un même objectif de base : la défense de l’intérêt de l’enfant. On ne peut pas demander à ces travailleurs sociaux, sauf à vouloir les plonger dans une sorte de schizophrénie professionnelle, de retourner leur veste et de se mettre à défendre l’ordre public !
L’ordre public doit évidemment être défendu, ce n’est pas moi qui dirai le contraire, mais autrement, pas par ceux qui cherchent toute la journée à gagner la confiance des familles. Ne leur demandez pas, le soir, de trahir leur mandat !
Il est paradoxal de voir le ministre de l’intérieur – qui a longtemps négligé la prévention et qui refusait de tenir compte du contexte social de certains actes, au motif qu’expliquer, ce serait déjà excuser – passer maintenant à un déterminisme social absolu, qui l’amène à considérer qu’il y a des " classes dangereuses ", propices à l’épanouissement de la délinquance !

M. le Président – Je rappelle que le temps de parole sur chaque article est limité à cinq minutes par orateur.

M. Pierre Cardo – L’article a le mérite de faire du maire le coordinateur de l’action. Il est vrai que les limites ne sont pas aisées à déterminer. Bien sûr, le secret professionnel ne doit jamais être utilisé au détriment de ceux qui doivent en bénéficier mais, a contrario, le fait de garder par devers soi des informations peut créer des dégâts. Selon moi, il ne s’agit pas de faire du maire le responsable de l’ordre public mais bien le pivot de la paix sociale. Les intervenants sont nombreux, la cohérence de leurs interventions doit être assurée – mais comment peut-elle l’être s’il n’existe ni procédures ni chef d’orchestre ? D’évidence, rien ne peut aboutir dans ces conditions, et la rupture menace. L’objet de la prévention, c’est d’éviter qu’un individu en vienne à un comportement délictueux ou, s’il s’y est engagé, de l’en faire changer. Alors que l’on sait la multiplicité des problèmes qui conduisent à de tels troubles, le drame français est de prétendre qu’un spécialiste pourrait, à lui seul, régler les problèmes des mineurs délinquants et de leurs familles. Cela ne peut être ! Différents intervenants doivent agir et un coordinateur est nécessaire.
J’entends dire que ce devrait être le président du conseil général. Je ne partage pas ce point de vue. Sur le territoire d’une commune, le maire est bien le seul pouvoir exécutif, celui qui peut enclencher une dynamique et harmoniser les initiatives. En quoi serait-il moins digne de confiance que les services du conseil général et que son président lui-même, qui est un politique, n’ayant parfois aucune expérience de ces situations ? Pourquoi diaboliser les maires, alors que le texte insiste sur la prévention ?
Lorsque les premières émeutes ont eu lieu, dans la région parisienne et au-delà, au cours des années 1990, on a recensé, dans ma commune, les gamins qui posaient problème pour voir ce que l’on pouvait faire. Ce recensement a permis de constater que les noms d’une quarantaine de mineurs fauteurs de troubles revenaient régulièrement. Les enseignants, les membres des associations, les services municipaux, la police les connaissaient tous. Mais les services sociaux n’ont cité qu’une seule famille – parce qu’elle avait demandé un secours. Et ils ne savaient rien du mineur signalé par tous les autres acteurs.
Pour des raisons sur lesquelles je ne m’attarderai pas, les institutions sont désormais en retrait, si bien que les services " de première ligne ", ceux qui devraient faire la détection précoce des troubles, ne sont pas les mieux informés. Comment, alors, organiser le travail en réseau et permettre que les informations circulent pour éviter qu’un mineur sombre dans la délinquance ? Si l’on veut éviter que les choses ne dégénèrent, si l’on veut mettre le holà avant que l’on en arrive au tribunal pour enfants, le maire doit s’investir personnellement et mobiliser l’ensemble des intervenants. Le rôle que lui assigne le texte est donc très positif et j’estime assez injuste le procès fait à ce projet dans lequel est abordé, pour la première fois, le statut du maire. Ce n’est pas parce que je suis maire que je n’ai pas de compétences pour aider des enfants et des familles en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques-Alain Bénisti – Bravo !

M. Michel Vaxès – Cet article consacre deux principes. D’abord, le partage d'informations confidentielles entre les professionnels de l'action sociale. Mais ces derniers partagent déjà des informations utiles en bonne intelligence, avec discernement, dans le respect de la vie privée et de l’intérêt des personnes dont ils ont la charge. Ensuite, la communication systématique au maire de ces informations confidentielles – mais aujourd’hui, ces informations ne lui sont révélées que lorsque des cas d'espèce justifient son intervention. Bref, l’essentiel est déjà fait.
Mme Pecresse a expliqué que des conflits peuvent se produire entre travailleurs sociaux d’une collectivité et d’une autre. Sans doute, mais peut-on prétendre régler par la loi, sous la contrainte, des conflits de personnes ? On introduit ainsi subrepticement dans le débat l’idée que des conflits opposeraient les présidents de conseils généraux et certaines collectivités locales et l’on en tire argument pour consacrer la primauté du maire. La question doit être résolue d’une autre manière.
Le Sénat a certes intégré le président du conseil général dans le dispositif, mais cela n’a pas modifié la philosophie qui sous-tend le texte. Quant à la correction apportée, elle fera que les dispositions prévues donneront lieu à autant d'interprétations qu'il y aura de lecteurs, d'intervenants sociaux, de présidents de conseils généraux ou de maires…
On peut légitimement s’interroger sur la compatibilité de cet article avec l'article 9 du code civil relatif au respect de la vie privée, et avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui énonce que " toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". La CNIL a d’ailleurs estimé, dans son avis du 13 juin, que les dispositions envisagées lui paraissaient disproportionnées au regard des objectifs poursuivis, soulignant que " si le maire a vocation à connaître, de façon ponctuelle, des données sur les personnes sollicitant des aides sociales facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il n'a pas à être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l'action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté dans le cadre des relations de confiance qu'ils nouent avec elles et des garanties de confidentialité qu'ils leur apportent. Le fait que désormais le maire pourrait accéder à ces informations sociales sensibles est de nature à remettre en cause ces relations de confiance et l'efficacité de l'action sociale entreprise ".
Alors, vous nous dites qu’il y aurait des obstacles institutionnels à la coordination des interventions. Mais le texte relatif à la protection de l’enfance, qui a été débattu en première lecture au Sénat, devrait lever les obstacles juridiques – c’est pourquoi il aurait mieux valu en discuter ici avant d’examiner le présent projet.
Dans ces conditions, on est conduit à penser que vous avez pour objectif, en permettant au maire d'accéder à des informations aujourd'hui confidentielles, d’organiser le contrôle social. Mais cela servira-t-il la prévention de la délinquance ? Certes, on constituera des fichiers municipaux des enfants et familles en grande difficulté, mais comment garantir qu’il en sera toujours fait un usage bienveillant ?
Comme le souligne la CNIL, ce partage d'information obligatoire ne manquera pas de rompre le lien de confiance entre le travailleur social et l'usager, si bien que les familles les plus en difficulté deviendront de moins en moins accessibles à l'aide et au soutien des professionnels. Je crains donc que le texte ne se révèle contreproductif.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il n’est pas certain que l’article 5 ait sa place dans ce projet, car il ne traite pas de la délinquance. Mais après tout, peu importe le véhicule législatif, et même si nous légiférons dans le désordre, il n’y a pas lieu d’en faire un drame. Ce qui compte, c’est que l’on installe le maire au centre du dispositif de prévention de la délinquance ou, comme ici, de la prévention de détresse sociale. J’appuierai donc cet article.

M. Patrick Braouezec – Quelle prévention ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Je considère incohérent de reprocher au maire de ne pas faire de prévention, comme on l’a entendu au début de cette discussion, tandis qu’on lui interdirait d’être informé par les travailleurs sociaux. Comment peut-il agir si les informations ne lui sont pas transmises ? S’il finit, comme c’est le cas actuellement, par être informé par la police, c’est qu’il est déjà trop tard. Tout cela manque de logique !
J’en viens à la question posée par notre collègue Le Bouillonnec à l’occasion d’un rappel au Règlement, il a quelques jours : pourquoi prévoir dans la loi ce qui existe déjà ? On réunit tout le monde – enseignements, assistants sociaux, intervenants du service jeunesse, médecins, représentants du procureur et de la police – mais seulement quand la maison a brûlé, rappelait Pierre Cardo… Pourquoi ne pas agir en amont ? Je le vois aujourd’hui en ma qualité de maire, comme je m’en apercevais déjà il y a quelques années dans mes fonctions d’intervenant social auprès de l’éducation nationale : il n’y a pas assez de coordination autour des jeunes en difficulté.
S’agissant de la déontologie, l’ordre public n’entre pas en contradiction avec l’intérêt de l’enfant, Monsieur Le Guen, bien au contraire : l’intérêt de l’enfant est de ne pas devenir un délinquant, et la société ne s’en portera que mieux ! Je peux comprendre certaines réticences sur ce sujet, mais il ne faudrait pas que le principal obstacle soit l’auteur de ce texte, le ministre d’État, par ailleurs candidat à l’élection présidentielle. (Exclamations sur divers bancs)
À ceux qui nous disent que la coordination prévue par cette loi existe déjà, je rappellerai cet événement choquant, survenu dans ma commune de Drancy, et auquel Mme Pecresse faisait allusion tout à l’heure. Alors qu’un couple avait refusé que la PMI suive ses cinq enfants, l’alerte n’avait pas été donnée ; l’éducation nationale avait repéré des troubles de comportement et des problèmes d’hygiène, puis saisi le tribunal pour enfants, mais il ne s’était rien passé non plus ! Il a fallu qu’une gardienne s’inquiète de voir des enfants aller pieds nus et demande à la police de les raccompagner pour qu’on découvre l’horreur : on a trouvé un cloaque et un bébé de 14 mois pesant seulement 3,4 kilos ! Or, la justice savait qu’il y avait sans doute un problème, de même que la PMI et l’aide sociale à l’enfance. Mais ces services ne s’étaient jamais consultés !
Que s’est-il passé depuis cette date ? J’ai été auditionné par la commission, et le conseil général a lancé des investigations pour régler ces dysfonctionnements. Il reste qu’on a encore refusé récemment de m’informer des suites données à un signalement que j’avais transmis. Traumatisés par les récents événements, plusieurs habitants d’un immeuble m’ont en effet informé qu’une femme, déjà mère de deux enfants confiés à la DDASS, passait ses journées à crier sur son dernier enfant. J’alerte la PMI et je demande au directeur des centres de santé de ma municipalité de s’informer de la situation. Or, le 16 novembre dernier, le directeur de la PMI – pourtant employé de la mairie – m’écrit qu’après avoir évalué la situation, il a fait part de l’affaire à l’inspectrice de l’aide sociale à l’enfance ; toutefois, la responsable de circonscription de la PMI étant seule garante de l’exécution de la convention entre le conseil général et la municipalité, et compte tenu des obligations légales de secret professionnel, les documents ne peuvent m’être transmis.
De son côté, la responsable de la PMI me répond que tous les professionnels de ce secteur sont soumis au secret professionnel, à l’exception des signalements d’enfants en danger aux services du conseil général, en charge de la protection de l’information. Me rappelant que les services municipaux n’ont pas reçu cette compétence, elle me demande pourquoi je cherche à m’informer. Circulez, il n’y a rien à voir ! Après ce qui s’était déjà passé dans ma commune, c’est inacceptable !

Mme Valérie Pecresse – Qui est donc responsable ?

M. Jean-Christophe Lagarde – On aurait pu penser que le directeur des centres de santé, lui-même médecin, pouvait être tenu informé, afin qu’il puisse me transmettre certaines informations, après avoir effectué un tri.
Compte tenu des difficultés que nous éprouvons pour travailler en compagnie des travailleurs sociaux dans des affaires relevant de la simple prévention sociale, vous imaginez les difficultés qui nous attendent en matière de prévention de la délinquance si ce texte n’est pas voté !

M. Jacques-Alain Bénisti – Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde – Je préfère donc un texte qui nous permette d’avancer dans le bon sens. J’aurais toutefois préféré qu’on donne au maire la capacité de réunir autour de la table toutes les instances concernées, au lieu de le rendre responsable de l’intégralité des dossiers.

M. Patrick Braouezec – C’est autre chose !

M. Jean-Christophe Lagarde – J’accepterai toutefois les mesures qui nous sont présentées, car on ne m’enverra plus dans le mur quand je signale des enfants en danger (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Vous avez parlé treize minutes – mais c’était particulièrement intéressant.

M. Patrick Braouezec – Voilà qui est sympa pour les autres orateurs !

Mme Martine Billard – J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les propos de M. Lagarde. Il y a effectivement des dysfonctionnements dans la coordination entre certains services – chacun d’entre nous pourrait en donner des exemples ! Il en résulte parfois des drames sociaux, voire des morts.

M. Jacques-Alain Bénisti – C’est bien de le reconnaître !

Mme Martine Billard – C’est la vérité. Le maire doit-il se charger, pour cette raison, de la coordination des services ? Faudra-t-il que nous donnions autorité au maire sur des services qui ne relèvent pas de sa compétence – justice et santé, par exemple ?

M. Jacques-Alain Bénisti – Dans le champ de sa commune, oui !

Mme Martine Billard – Allons-nous faire du maire un shérif qui décide de tout ? Même si vous le souhaitiez, ce serait impossible. On ne peut pas confier la coordination au maire dans les grandes villes, certains d’entre vous l’ont reconnu, mais ce n’est pas non plus souhaitable dans les autres. Certes, le maire doit favoriser la coordination des objectifs et des politiques menées…

M. Jacques-Alain Bénisti – Très bien !

Mme Martine Billard – …mais il n’a pas à s’immiscer dans la situation personnelle des familles.

M. Jacques-Alain Bénisti – Il en serait bien incapable !

Mme Martine Billard – J’ajoute que la tentation de définir des profils de délinquants n’est pas nouvelle. Plusieurs gouvernements de droite y ont déjà succombé au nom de la prévention, mais voilà que vous cherchez à établir un lien inacceptable entre la délinquance et les difficultés sociales, éducatives et matérielles. Allez-vous faire, de nouveau, des classes populaires les " classes dangereuses " ? Certains vont jusqu’à dire que les enfants de mères célibataires ont le profil de délinquants potentiels ! En réalité, il est des jeunes de milieux populaires qui ne posent aucun problème et d’autres de milieux aisés qui deviennent délinquants.
Quand le maire, que vous voulez charger de tout, ne pourra plus faire face, à qui faudra-t-il faire appel ?

M. Jacques-Alain Bénisti - Est-ce un argument pour ne pas agir ?

Mme Martine Billard - Cet article n’a rien à faire dans un texte relatif à la prévention de la
délinquance. D’accord pour renforcer la coordination des politiques de prévention – il existe déjà les contrats locaux de sécurité qui pourraient être encore améliorés –, mais il n’y a pas lieu de lever le secret professionnel en faveur du maire, s’agissant des familles en difficulté dans sa commune.

M. Jacques-Alain Bénisti – À vous écouter les uns et les autres, on mesure tout ce qui sépare un député d’un député-maire, M. Le Guen et M. Lagarde par exemple (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).
Lorsque le ministre de l’intérieur a souhaité en 2003 que soit créée une commission " prévention " au sein du groupe d’études parlementaires sur la sécurité intérieure, il a voulu que des députés de tous bords y participent, et surtout des députés-maires, confrontés quotidiennement à ces difficultés. Il ne se doutait peut-être pas alors que nous formulerions des propositions aussi concrètes, issues précisément de notre expérience de terrain. Prétendre comme M. Le Guen que les maires n’ont pas à s’occuper d’action sociale, c’est méconnaître totalement la réalité. Lorsque, dans cette commission " prévention ", nous avons abordé la question du partage du secret professionnel avec les travailleurs sociaux, tous les députés-maires – je ne citerai pas de nom mais je pense notamment à un député-maire communiste de la banlieue lyonnaise…

M. Patrick Braouezec – Il n’y en a qu’un !

M. Jacques-Alain Bénisti – …Il nous a raconté qu’une personne lui avait dit à sa permanence qu’elle entendait depuis trois mois, chaque soir à la même heure, une fillette de onze ans hurler. En fait, elle était violée chaque soir par son père. Mais lorsque ce maire a tenté de savoir ce qui se passait, ce fut le parcours du combattant…

M. Jean-Marie Le Guen – À quoi sert la police ?

M. Jacques-Alain Bénisti – Certains avaient essayé de saisir l’assistante sociale, d’autres la police. Mais rien n’avait été fait. De tels cas, parfois dramatiques, les maires ont à en connaître chaque semaine (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Monsieur Vaxès, vous qui avez été maire, le savez pertinemment.
Le partage du secret professionnel ne vise bien sûr que ces cas graves. Il n’est pas question pour le maire de demander aux travailleurs sociaux de l’informer de tous les problèmes rencontrés par les familles…

Mme Patricia Adam - Encore heureux !

M. Patrick Braouezec – Vous ouvrez la boîte de Pandore.

M. Jacques-Alain Bénisti – Mais dans des cas graves mettant en danger un enfant ou une personne, le travailleur social doit partager son information avec le maire de façon qu’ensemble, ils puissent assurer la protection nécessaire.

M. Manuel Valls – Je suis moi aussi maire, mais nous sommes ici à l'Assemblée nationale. Chaque député-maire pourrait raconter ici les drames dont il a connaissance dans ses permanences. Vouloir placer les maires au cœur de tout, comme on l’a fait à la suite des émeutes urbaines de l’année dernière où il est apparu qu’ils étaient les seuls capables de se faire entendre de la population, cela traduit un recul de la parole politique au niveau national et, d’une manière plus générale, du rôle de l’État au niveau local. Maire d’une commune de 50 000 habitants, j’assume toutes sortes de responsabilités, parfois au-delà même de celles que nous confère la loi, je souhaite bien sûr un échange d’informations et une coordination avec les autres collectivités territoriales, mais j’attends surtout que l’État joue son rôle. La dérive que vous proposez est dangereuse. À ce compte-là, certains maires pourraient bientôt demander à assurer, pourquoi pas, les fonctions de commissaire de police ou de procureur.

M. Pierre Cardo – C’est tout de même le législateur qui en décide.

M. Manuel Valls – Les maires sont bien sûr tentés par cette dérive car c’est vers eux, élus les plus proches de nos concitoyens, que remontent toutes les demandes, notamment celle de sécurité.
Mais il importe précisément dans notre République que le rôle de chacun soit précisément défini et clairement perçu par nos concitoyens. En matière sociale, familiale, de sécurité et de prévention de la délinquance, les responsabilités respectives de l’État, du conseil général et de la commune sont aujourd’hui parfaitement claires. Cet article 5 au contraire crée une confusion dangereuse, notamment en ce qu’elle porte atteinte à la légitimité de chacun à intervenir.
De plus, vous vous êtes arrêtés au milieu du gué. Ou bien il fallait aller au bout de votre logique de démantèlement du rôle de l’État et proposer un texte modifiant de fond en comble l’organisation territoriale de notre pays et faisant du maire, comme dans d’autres pays, le pivot de tout. Certains d’entre [vous] le souhaitent et c’est ce que nous dénonçons en matière de sécurité en parlant de " maire-shérif ". Ou bien il faut affirmer qu’il y a place dans notre pays pour chaque niveau de collectivité et chaque institution, et qu’elles peuvent travailler en concertation, comme c’est aujourd’hui le cas dans le cadre des CLSPD. L’entre-deux est source de confusion. C’est si vrai qu’aujourd’hui même, à Élancourt, le ministre de l’intérieur a déclaré qu’il faudrait une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour la police et la gendarmerie, oubliant sans doute qu’il est ministre depuis plus de quatre ans, et ajouté " qu’il ne faut pas laisser galvauder, abaisser, ridiculiser l’État par les facilités et les renoncements ". Le ministre de l’intérieur aurait dû être présent parmi nous pour mesurer combien ce texte abaisse le rôle de l’État sur le plan local. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur pour avis – Si la commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis de ce texte, c’est notamment en raison de cet article 5. Il permettra de soulager la souffrance sociale d’un certain nombre de nos concitoyens, ce qui est sans doute l’une des meilleures façons de prévenir la délinquance. Coordination des interventions sociales auprès des familles en difficulté et partage du secret professionnel en sont les principales dispositions. Je ne suis pas choqué, pour ma part, que le maire reçoive mission de coordonner les interventions d’action sociale sur le territoire de sa commune…

M. Patrick Braouezec – Le texte ne traite pas de l’action sociale.

M. le Rapporteur pour avis – J’ai tout de même le droit de parler d’action sociale, fût-ce dans un texte relatif à la prévention de la délinquance.
Il ne me choque pas que le maire puisse autoriser, sous certaines conditions, le partage d’informations entre les divers professionnels intervenant auprès d’une même famille. L’objectif est de décloisonner l’action de l’ensemble des intervenants, dont chacun ne connaît la situation de la famille que sous un angle particulier, et éviter que des situations dramatiques ne s’aggravent encore, faute d’une autorité ayant une vision globale. Le maire pourra, sur proposition du président du conseil général et après accord de l’institution dont relève l’intéressé, désigner un coordonnateur parmi l’ensemble des intervenants. Je ne vois vraiment pas comment on peut être choqué par cet effort de coordination.
Le second volet vise à donner une base légale à une pratique qui existe déjà, l’échange d’informations entre personnes relevant d’autorités différentes et soumises au secret professionnel, ou au moins à un devoir de discrétion. Le texte limite strictement ces échanges à la détection des situations sociales graves ; il vise à protéger des personnes vulnérables. Qui pourrait s’en offusquer ? D’autant plus que le Sénat a modifié le dispositif afin de mieux l’encadrer ; le partage d’informations confidentielles se fera à deux niveaux : d’une part entre professionnels de l’action sociale, pour permettre une prise en charge globale et efficace des bénéficiaires, d’autre part au profit du maire et du président du conseil général, afin de leur permettre d’exercer leurs compétences respectives en matière d’action sociale et éducative. Ces dispositions sont le fruit d’un compromis entre les " départementalistes " – qui sont nombreux au Sénat – et les partisans d’une autorité de proximité, le maire.
Cet article ne vise pas en premier lieu les familles dont les enfants sont en situation de délinquance ; il s’agit beaucoup plus largement d’accompagnement social.
Enfin, il faut garder à l’esprit que certaines familles pourront relever du dispositif de protection de l’enfance. C’est la raison pour laquelle les deux textes doivent être coordonnés, et c’est pourquoi je salue votre présence aujourd’hui, Monsieur le ministre.

M. le Ministre délégué – Je vous remercie de ce débat, qui fait honneur à l'Assemblée nationale. Néanmoins certaines critiques me paraissent fort éloignées du contenu réel de ce projet.
Comme l’a souligné M. Dubernard, c’est un texte d’équilibre. Il ne s’agit certainement pas, comme le prétend M. Mamère, de l’agonie du secret professionnel et d’un appel à la délation. Bien au contraire, nous entendons préserver le secret professionnel, nécessaire à la confiance, tout en assurant la coordination et l’échange d’informations entre les travailleurs sociaux, dans l’intérêt des familles. Comment s’opposer à une disposition qui vise à améliorer le travail social auprès des familles ?

Mme Patricia Adam – Cela n’a rien à faire dans ce texte !

M. le Ministre délégué – Il reprend les mêmes principes qu’en matière de protection de l’enfance. Ceux d’entre vous qui se déclarent favorables aux règles retenues dans le projet sur la protection de l’enfance ne peuvent donc que voter l’article 5 du projet sur la prévention de la délinquance !

M. Jean-Marie Le Guen – Les finalités ne sont pas les mêmes !

M. le Ministre délégué – Le secret professionnel est une notion très importante, qui existe aussi bien dans le domaine médical qu’en matière de justice. On sait bien qu’à chaque fois qu’un secret voulu par le législateur est violé, c’est au détriment des personnes au profit desquelles il a été institué. Le Gouvernement est donc très attaché au secret professionnel. Ce n’est pas une raison pour ne pas organiser, entre personnes soumises à ce secret, un travail en commun.
Quant au maire, il exerce d’ores et déjà des responsabilités qui l’amènent à avoir connaissance de certaines informations relevant de la vie privée, par exemple quand il préside une commission locale d’insertion ou quand il instruit un dossier de demande d’aide sociale auprès du département.

Mme Patricia Adam – Ce sont les familles elles-mêmes qui fournissent les informations, pas les travailleurs sociaux !

M. le Ministre délégué – Nous proposons tout simplement d’aménager la faculté dont dispose déjà le maire, dans le cadre d’un travail social coordonné. Il ne s’agit en aucun cas de lui permettre d’aller regarder ce qu’il y a dans les dossiers des travailleurs sociaux. En revanche, il est normal, lorsqu’il a une décision à prendre en application de nos lois actuelles, qu’il dispose des informations nécessaires. Nous ne faisons que reprendre ce qui se fait en matière de protection de l’enfance, où depuis 1984, le président du conseil général accède à des informations couvertes par le secret. Le maire n’aura d’informations sociales couvertes par le secret que dans la stricte mesure de ce qui est nécessaire pour l’exercice de ses compétences légales.

M. Jean-Marie Le Guen – Par exemple ?

M. le Ministre délégué – Bref, je le répète, ce texte est équilibré : le secret professionnel demeure, mais les informations qui en relèvent doivent pouvoir être partagées entre les professionnels qui y sont assujettis, et cela dans l’intérêt des familles ; quant au maire, il doit veiller à ce que le travail social s’effectue dans de bonnes conditions, et par ailleurs avoir communication des informations qui sont nécessaires à l’exercice de ses compétences – et seulement de celles-là.

Mme Patricia Adam – Je demande une suspension de séance.
La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 35.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe communiste et républicain, ainsi que par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public sur les amendements de suppression de l’article.
M. Noël Mamère – L’amendement 33 vise en effet à supprimer cet article qui donne trop d’importance au maire : il ne s’agit pas tant de diminuer ses prérogatives que de mieux définir leur périmètre. Or, ce texte confère au maire un pouvoir exorbitant, contribuant ainsi à miner un peu plus notre démocratie…

M. Pierre Cardo – Voilà la dictature !

M. Noël Mamère – …et, surtout, à municipaliser les politiques publiques. Le maire, qui est déjà le dernier interlocuteur social, ne peut être également shérif, substitut du procureur, travailleur social et éducateur. M. le ministre délégué prétend que le secret professionnel est respecté, mais ce n’est pas le cas puisque les travailleurs sociaux devront lui rendre compte d’informations confidentielles sur des personnes privées, ce qui dépasse largement le secret partagé entre des professionnels – auquel nous ne sommes d’ailleurs pas défavorables. Comme coordinateur des politiques sociales, le maire est jusqu’à présent informé d’un contexte général, non d’informations précises concernant telle ou telle personne. J’ajoute que la transformation d’un travailleur social en coordinateur tend là encore à personnaliser sa fonction alors même qu’il dépend d’un collectif associatif. La loi sur l’immigration permet déjà au maire de distinguer les bons des mauvais immigrés en fonction de leurs potentialités réelles ou supposées d’intégration. En fait, loi après loi, c’est le contrôle social que vous renforcez ! Nous nous dirigeons vers un monde orwellien.

M. Pierre Cardo – Oh là là !

M. Noël Mamère – Agent de la maturité démocratique, le maire ne peut être le complice d’une telle dérive.

M. Pierre Cardo – Aider les familles, ce n’est pas rabaisser son rôle !

M. Patrick Braouezec – L’amendement 303 vise également à supprimer cet article. Nul ne nie les dysfonctionnements de notre société, mais légiférer à tous crins n’est pas la meilleure façon de procéder.

M. Pierre Cardo – Tiens tiens ! Voilà qui est intéressant ! Nous nous en souviendrons.

M. Patrick Braouezec – Des lois qui ont été votées n’ont pas été suivies de décrets d’application ou ne sont pas appliquées faute de moyens. Il s’agit plutôt de savoir si, en l’état actuel de notre législation, il est possible de remédier à un certain nombre de problèmes liés à la protection de l’enfance, et non d’examiner un texte qui, en grande partie, n’a rien à voir avec une telle préoccupation, non plus d’ailleurs qu’avec la prévention de la délinquance. M. Dubernard a beaucoup parlé de " social ", mais le seul substantif auquel l’adjectif " social " peut être associé, c’est " contrôle " : ce projet stigmatise, culpabilise, criminalise les populations les plus en difficulté.

M. Jacques-Alain Bénisti - Pas du tout !

M. Patrick Braouezec – En fait, il jette le soupçon sur certaines classes de la société, alors même que vous prétendez rejeter tout déterminisme. Cet article, en outre, n’est pas conforme à l’article 9 du code civil relatif au respect de la vie privée ni à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La CNIL a en outre souligné que ses dispositions sont disproportionnées au regard des objectifs visés.
Si le maire a vocation à connaître, de façon ponctuelle, des données sur les personnes sollicitant des aides sociales facultatives qui relèvent traditionnellement de ses compétences, il n’a pas à être rendu systématiquement destinataire des informations que les professionnels de l’action sociale sont conduits à recueillir auprès des personnes et des familles en difficulté. " L’accès du maire à ces informations sensibles est de nature à remettre en cause les relations de confiance nouées avec ces personnes et l’efficacité de l’action sociale entreprise.
La CNIL rappelle d’autre part que les traitements comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes sont soumiss à autorisation préalable. Vous n’en avez pas tenu compte.
Cet article 5 ne nous permettra pas d’être plus efficaces en matière de protection de l’enfance, car le maire n’aura pas plus de moyens. Les cas dramatiques que vous avez cités se reproduiront donc, mais le maire en sera tenu pour responsable. C’est une bonne manière pour l’État de se défausser de ses responsabilités !

M. Jean-Marie Le Guen – L’amendement 699 est identique. Il faut bien sûr – et nous en avons longuement discuté dans le cadre du projet de loi sur la protection de l’enfance –améliorer le travail social. Nous étions d’ailleurs tous d’accord sur la nécessité de renforcer la coordination et le rôle du secret partagé. Le problème est que ce texte ne traite pas d’action sociale, mais de prévention de la délinquance. On demande au maire d’être destinataire d’informations recueillies dans le cadre des politiques sociales pour mener des politiques de prévention de la délinquance.
Les informations recueillies dans le cadre de l’aide sociale le sont en général dans le seul but de défendre l’enfant ou l’individu. Du point de vue de la déontologie des travailleurs sociaux, tout est clair. Ce que vous prévoyez ici est tout autre, sauf à estimer – comme je l’ai entendu tout à l’heure – qu’en faisant de la prévention de la délinquance, on mène une action sociale de défense de l’enfant.
Notre collègue Lagarde nous a relaté un cas dramatique. Il semble que le recours au représentant de l’action publique, c'est-à-dire au procureur, n’ait pas été envisagé. La question d’un éventuel dysfonctionnement des services de PMI était pourtant posée.
Le maire doit bien sûr s’intéresser – comme tout élu – à ce qui se passe dans sa commune. Il ne s’agit pas tant d’être informé pour agir que d’intervenir le cas échéant auprès du procureur. Il est légitime que le maire constate des dysfonctionnements. Lui revient-il pour autant de traiter le cas concerné ? Il y a là une dérive. Vous dites qu’il doit disposer des informations pour traiter le cas…

Plusieurs députés UMP – Ce n’est pas dans le texte !

M. Jean-Marie Le Guen – C’est ce que disent notre collègue Lagarde et de nombreux maires – pas seulement sur les bancs de la majorité.
Bref, il y a une volonté manifeste de responsabilisation du maire dans ces politiques. Nul n’a mis en cause une responsabilité de l’État dans les cas qui ont été évoqués, alors que la justice devrait être plus présente et qu’il a pu y avoir des dysfonctionnements des services de police.

M. Jacques-Alain Bénisti – Il n’y a pas que la police et la justice !

M. Patrick Braouezec – Dans les exemples que vous avez pris, si !

M. Jean-Marie Le Guen – Les cas doivent être traités par les institutions qui en ont la charge. L’amélioration du travail social, par exemple, est du ressort du conseil général. Face à ces cas dramatiques, vous aspirez d’abord à sortir de votre rôle. Il y a quinze ou vingt ans, nous aurions mis en exergue les défaillances des services de l’État. Aujourd’hui, nous en sommes à dire qu’il faut renforcer les pouvoirs du maire. Nous sommes au milieu du gué. En définitive, nous ne croyons plus que l’État puisse conduire de manière efficace une action de proximité. Il est frappant de constater, à travers vos témoignages, que nous sommes déjà au-delà de la critique des dysfonctionnements de l’État.

M. Noël Mamère – Je voudrais défendre l’amendement 399 de M. Edmond-Mariette !

M. le Président – Il est le seul signataire : en son absence, son amendement ne peut donc être défendu.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé les amendements de suppression.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Mme Patricia Adam – On a voulu tout à l’heure opposer maire et conseil général…

M. Jacques-Alain Bénisti - Au contraire : nous voulons les coordonner !

Mme Patricia Adam – Le débat n’est pas là. Il s’agit d’assurer la cohérence des dispositifs et l’articulation des différents services – action sociale, sécurité, justice, santé, éducation nationale. Non de les opposer, mais de coordonner leur action.

M. Jacques-Alain Bénisti – C’est ce qui est prévu !

Mme Patricia Adam – Nous sommes tous d’accord pour mieux coordonner la politique de prévention de la délinquance autour du maire. Plusieurs outils sont pour cela à sa disposition : contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance, mais aussi contrat éducatif ou dispositif de réussite éducative… Seule la coordination des différents acteurs est cependant de sa responsabilité. Ce n’est pas son rôle d’être destinataire de l‘ensemble des informations.
J’ai été maire d’un quartier de plus de 20 000 habitants. Je suis aujourd’hui vice-présidente d’un conseil général. Je le dis tout net : je pense qu’un certain nombre de conseils généraux n’exercent pas correctement les responsabilités qui leur sont confiées.

M. Jacques-Alain Bénisti – Merci, chère collègue !

Mme Henriette Martinez – Très juste !

Mme Patricia Adam – Permettez-moi de citer le rapport que vous aviez demandé en 2004 à Martin Hirsch : " Chaque famille doit avoir un très faible nombre d’interlocuteurs pour un accompagnement personnalisé et stable dans le temps. Elle doit être en relation avec une personne ou une équipe disposant de véritables moyens d’action, et non du simple pouvoir de renvoyer de l’un vers l’autre, comme cela se pratique encore trop souvent. " Symétriquement, ajoute M. Hirsch, les intervenants sociaux ne doivent suivre qu’un nombre raisonnable de personnes et, comme ce n’est pas aux familles de subir la complexité de l’action sociale, service public, il recommande d’adopter le principe du référent unique.

M. Pierre Cardo – Si on pouvait éviter la lecture de rapports en séance !

Mme Patricia Adam – Si les conseils généraux organisaient leurs services territorialement et en se conformant aux principes que je viens d’exposer, nous aurions moins de problèmes.
À la majorité de 18 voix contre 7, sur 25 votants et 25 suffrages exprimés, les amendements 33, 303 et 699 ne sont pas adoptés.

M. le Président – Nous en arrivons à l’amendement 680 rectifié, sur lequel je suis saisi, par le groupe socialiste, d’une demande de scrutin public.

Mme Patricia Adam – Notre amendement 680 rectifié, qui réécrit une grande partie de l’article 5, confie au président du conseil général le soin de désigner le coordonnateur de l’action des différents professionnels de l’action sociale et précise de quelle façon certaines informations sont portées à la connaissance du maire. Nous proposons, d’autre part, de créer une commission de recours, en cas de désaccord entre les travailleurs sociaux, le maire et le président du conseil général, car il est évident qu’il y aura des contentieux, compte tenu du rôle que vous voulez faire jouer au maire. Alors que de nombreux conseils généraux ont organisé leurs services de façon que chaque famille ait un seul référent, le maire arrivera et dira qu’en plus de M. Untel, il faudra voir aussi avec M. Tel Autre.

M. le Rapporteur – Non examiné par la commission. Avis personnel défavorable.

M. le Rapporteur pour avis – Vous dites, Madame Adam, qu’il n’est pas question d’opposer les maires et les conseils généraux, mais j’ai tout de même l’impression que la vice-présidente du conseil général du Finistère l’emporte, en vous, sur la maire de quartier – notion qui m’est d’ailleurs inconnue. Vous proposez une réécriture totale de l’article, dans laquelle le maire n’est plus le pivot des interventions sociales et dans laquelle le partage des informations avec le maire ne peut se faire qu’avec l’accord du président du conseil général, du professionnel et de la personne concernée.
Je crois pour ma part que les sénateurs, qui sont plutôt " départementalistes ", ont trouvé un bon équilibre, en remaniant le texte, entre le souci de donner au maire, interlocuteur de proximité pour les familles, un rôle de coordonnateur et le respect des compétences du conseil général en matière d’action sociale. C’est pourquoi j’ai un avis personnel défavorable.

M. le Ministre délégué – Les auteurs de l’amendement veulent amoindrir le rôle du maire au profit de celui du président du conseil général…

Mme Patricia Adam – Qui est celui que lui ont confié les lois !

M. le Ministre délégué – Nous cherchons ici un bon équilibre. Avis défavorable, donc.

M. Noël Mamère – Évitons les caricatures ! Il ne s’agit pas d’opposer maires et présidents de conseils généraux, mais de prendre en considération leurs compétences respectives. Ce n’est pas au ministre chargé de la famille que j’apprendrai que le département est compétent en matière de protection de l’enfance et d’action sociale.
Sous prétexte de donner au maire un rôle pivot dans la prévention de la délinquance, le Gouvernement en fait un shérif doublé d’un éducateur qui aurait le droit de recueillir des informations privées. L’amendement de Mme Adam a, lui, le mérite de réécrire l’article 5 de façon qu’il soit conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à la confidentialité. Le maire n’a pas à être le réceptacle d’informations confidentielles. En lui donnant des pouvoirs exorbitants, le Gouvernement veut en fait mettre sous tutelle les familles en difficulté, témoignant par là d’une vision de la société plus digne du XIXe siècle que de l’actuel. Il faut en somme se méfier des " classes dangereuses " !...

M. le Président – Je rappelle que le temps de parole sur chaque article est limité à cinq minutes par orateur.

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Mardi 28 Novembre 2006




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