Association nationale des assistants de service social

Envoyer à un ami
Version imprimable
Partager

Une réforme peut en cacher une autre


Billet d’humeur des étudiants
Dans l’euphorie de la réussite des JNE, L’ANAS a omis quelques précisions sur le texte écrit par les étudiants et publié sur le site.
Ce texte a été rédigé au mois de juin 2008, soit dans un contexte de contestation de la réforme du DE autour notamment de la question sur la gratification des stages. Il est donc à prendre comme un billet d’humeur avec ces imprécisions et parti pris. Mais il garde l’intérêt d’être l’expression des étudiants et en ce sens il garde toute sa place.




Une réforme peut en cacher une autre

Les évolutions des formations d’assistantes de service social et d’éducateurs spécialisés

La réforme est définie dans le dictionnaire comme un changement opéré en vue d’une amélioration. Les diplômes d’Etat des travailleurs sociaux ont depuis longtemps subi des réformes, mais la dernière pose question.

Le diplôme d’Etat d’assistant de service social (DEASS) a été crée en 1932 et en 1938 il a fusionné avec celui des infirmières visiteuses.
La profession avait alors une mission médico-sociale. En effet, les assistants sociaux avaient un rôle de prévention sanitaire auprès des familles.

La réforme du DEASS de 1962, proposait un enseignement plus spécialisé en travail social, notamment par l’introduction de l’enseignement des méthodes professionnelles (individuelle, groupe et communautaire) mais le programme reste largement marqué par une approche de type médico-social et la première année est encore commune avec les études d’infirmière.
Malgré cela, la réforme redonnera une place en sciences sociales avec l’enseignement du case-work qui se décompose, selon Mary RICHMOND, en quatre opérations : « Compréhension de l’individualité et des caractéristiques personnelles ; Compréhension des ressources, des dangers et des influences du milieu social ; Action directe de la mentalité de l’AS sur celle de son client ; Action indirecte exercée par le milieu social ».

Il faudra attendre 1967 pour la création du diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé. Ce diplôme imposera trois options : le handicap intellectuel, le handicap physique et les troubles du comportement.

En 1969, le diplôme d’Etat d’assistant de service social subi une réforme et ce pour que le métier soit essentiellement axé sur une approche de type psychosocial. Cette réforme a supprimé la première année commune avec les études d’infirmière et introduit de nouveaux enseignements en sciences humaines (économie).
La réforme de 1980 favorise une approche globale et pluridisciplinaire du social. Le service social polyvalent s’est développé, instituant une approche globale du social, selon laquelle l’individu est un « tout physique, psychique, affectif et socioculturel ».


Le diplôme d’éducateur spécialisé est réformé en 1990.
Cette réforme répond à une perte de sens de la profession, à une progressive inadéquation de l’organisation de la formation.


La récente réforme de 2004 touche les deux formations.
Elle met en avant les compétences que doivent maîtriser les étudiants à la sortie de leur formation. Elle redéfinit les missions et a pour but de structurer le cadre d’intervention du futur professionnel.
Elle favorise également la mise en place de la VAE.

On peut se rendre compte qu’avant 2004, chaque diplôme avait une évolution différente.
Cette dernière réforme, pensée dans un but d’uniformisation, est axée pour les deux formations sur des objectifs communs qui sont : l’acquisition de compétences et l’accès par la VAE.
Concrètement, le Domaine de Compétence 3 : communication professionnelle dans le travail et le Domaine de Compétence 4 : implication dans les dynamiques partenariales, institutionnelles et interinstitutionnelles, sont équivalents pour les diplômes de travailleurs sociaux de niveau III.


Les circonstances de la réforme
En 2004, le Diplôme d’Etat d’Assistante de Service Social (DEASS) a été réformé par décret. Cette réforme qui sera suivie par celle du diplôme d’Educateur spécialisén 2007 fait suite à celles déjà effectuées des diplômes d’Auxiliaire de Vie Sociale (en 2002) et de Médiateur familial (en 2003).

Les objectifs en matière de formation des travailleurs sociaux étaient notamment de renouer, d’adapter et d’ouvrir de nouveaux diplômes de travail social ; mais aussi de professionnaliser les personnels de l’aide à domicile et de poursuivre la mise en œuvre de la Validation des Acquis des l’Expérience (VAE).
Cela s’inscrit dans un contexte de pénurie du personnel qualifié dans le travail social.

Comme le souligne Michel PINAUD dans son rapport au Conseil Economique et Social (CES) intitulé « Le recrutement, la formation et la professionnalisation des salariés du secteur sanitaire et social » datant de 2004, entre 1994 et 1998, le déficit était déjà de 37% d’Assistants de Service Social (AS) et de 25% d’Educateurs Spécialisés (ES).
Ces difficultés de recrutement risquent de s’accentuer d’ici 2010 du fait du départ à la retraite de 33% des ES et de 28% des AS. Ce qui amène Didier TRONCHE du CES à préconiser une « augmentation de la capacité du dispositif en place d’au moins 20% sur l’ensemble du territoire ».


I. Une réforme liée à la mise en place de la VAE

La réforme du DEASS comme celle des autres diplômes de travail social, a été conçue de façon à permettre la mise en œuvre de la VAE.
La VAE qui s’inscrit dans le cadre de la formation continue, a été instaurée en 2002 par la loi de modernisation sociale. Elle s’adresse à tous les professionnels (faisant fonction, reconvertis ou formés sur le tas) qui ont appris grâce à l’expérience et vise à leur offrir une reconnaissance professionnelle par l’octroi d’un diplôme.

Cela correspond également à un besoin des employeurs qui connaissent des difficultés de recrutement en personnel qualifié et sous entendent par la même occasion favoriser la promotion interne au sein de leur entreprise.
Il s’agit de valoriser les expériences professionnelles de ce personnel. La VAE permet d'évaluer l'adéquation entre l'expérience professionnelle et les pré- requis à l’obtention du diplôme d’état.

C’est pourquoi tous les diplômes de travail social ont été réformés suivant des référentiels d’activités qui se déclinent en quatre domaines de compétences.
Les formations initiales visent ainsi, par voie de conséquence à cette réforme, à acquérir les compétences requises.
On assiste donc au passage d’une logique de qualifications à une logique de compétences.

II. De la qualification à la compétence

La qualification peut se définir comme un ensemble de savoirs validés par des titres qui correspondent à des connaissances formelles permettant la mise en œuvre des procédures et techniques professionnelles. Cette conception amène à considérer la capacité professionnelle comme une « science ». On considère même que la qualification reste stable et pérenne dans une logique d’appartenance collective.

La compétence, quant à elle, s’inscrit plus dans une reconnaissance de l’individualité. Elle se caractérise par la capacité à faire face à des situations diverses et variées sur le terrain. Il s’agit d’aptitudes développées par le professionnel, de « l’art » du métier.

La réforme de 2004, par l'instauration des Domaines de Compétence (DC), entraîne un changement dans le rôle de la formation.
En effet, l'acquisition de compétences transversales (polyvalence, mobilité, adaptabilité, …) prend progressivement le pas sur l'acquisition des savoirs.
Mais en donnant la priorité au compétences transférables, ne risque-t-on pas de perdre substance même des connaissances pourtant indispensables à la résolution des problématiques sur le terrain?

Le modèle de la compétence, en favorisant l'individualisation des parcours professionnels et des salaires ainsi que l'évolution au mérite, n'entraînera-t-il pas, à terme, une rupture des solidarités entre les salariés?

Ce débat opposant la qualification à la compétence met en confrontation une logique statutaire propre aux professions "historiques" (AS, ES,…) qui privilégie le diplôme et la culture professionnelle issue de l'émergence de nouvelles professions (animateur socio-culturel, médiateur, …) dans le champs du travail social.

Aux vues de ces évolutions, il apparaît que la constitution d’un référentiel de compétences et des DC institués par la réforme du DEASS entrainent des conséquences sur la formation des AS.


III. Les conséquences sur la formation initiale

Notre objectif n’est pas d’opposer étudiant en formation initiale et candidat à la VAE. Mais nous faisons des constats sur cette réforme (dont l’objectif premier était la mise en place de la VAE) qui a pour conséquences principales les difficultés que nous rencontrons au niveau de la formation initiale.

Tout au long de la formation un livret est constitué.
Il se compose des notes des travaux effectués dans les centres de formation et des évaluations des stages par les formateurs terrains.
Au niveau de la VAE c’est le livret 2 qui en est l’équivalent.
Mais tandis que le livret 2 constitue la pièce maîtresse de l’évaluation dans une procédure de VAE, le livret de formation des étudiants en formation initiale ne compte pas pour l’obtention du Diplôme d’Etat. Il est à peine consulté en cas d’échec aux épreuves.

On peut se poser la question suivante : dans quelle mesure le jury du DEASS peut-il évaluer l’ensemble des qualifications et des compétences acquises par l’étudiant tout au long de son parcours de formation sans tenir compte des éléments qui constituent son livret de formation ?

Cela pose aussi la question de la place laissée aux observations et évaluations des formateurs terrain pendant les stages.
Certes, un résumé des notes d’évaluation est rédigé par l’école et ajouté au dossier de pratiques professionnelles (DC1).
Cependant, il s’agit d’un nouvel écrit qui s’inspire des éléments d’évaluation mais qui en est une synthèse!?
Sachant que le centre de formation a une « certaine image » de l’étudiant, se pose la question de l’objectivité de cet écrit. En fait, cette synthèse consiste en une interprétation des évaluations de stage par le centre de formation.
Finalement, cela ne crée-t-il pas un déséquilibre entre terrain de stage et centre de formation, au regard des principes de l’alternance ?

Autre conséquence, la question 3 du DC4 peut être considérée comme une épreuve consistant en un cas pratique.
Il est demandé à l’étudiant de se projeter en tant que futur professionnel.
Paradoxalement, le candidat à la VAE, qui expose pourtant ses expériences professionnelles antécédentes, n’est pas mis en situation par le jury.

Concernant toujours l’épreuve du DC4 il existe une autre difficulté.
Actuellement, il s’agit d’un écrit sous la forme de 3 questions concernant l’une des 10 politiques sociales. Il n’y a qu’un seul sujet pour une épreuve nationale. Une note en dessous de 10 est éliminatoire (comme dans les autres DC).
Quel sens peut avoir une telle épreuve ?
N’y avait-il pas d’autres possibilités d’évaluer les connaissances acquises par l’étudiant en matière de politiques sociales et de logiques partenariales ?
Même pour les DC1 dossier de pratiques professionnelles et DC2 mémoire, dont les épreuves principales sont des écrits, une soutenance orale permet de faire contrepoids et d’offrir à l’étudiant la possibilité de justifier son écrit.
Si une épreuve orale n’était pas forcément indiquée concernant le DC4, il serait possible d’envisager des alternatives moins radicales et d’apporter plusieurs angles d’évaluation :
- plusieurs sujets au choix sur l’épreuve écrite
- la constitution de fiches techniques évaluées sur les terrains de stage

Cependant, force est de constater que les épreuves auxquelles sont soumis les étudiants sont encadrées par un formalisme strict tandis que les candidats à la VAE bénéficient d’une certaine souplesse dans la forme de l’écrit justifiant de leurs expériences.

En conclusion, cela soulève des questions de fonds sur le type de professionnels que l’on souhaite avoir, demain, sur le terrain. La volonté des institutions ne serait-elle pas d’avoir des AS qui seraient de super techniciennes des politiques sociales ?
Cette réforme permet aux nouveaux professionnels d’être plus compétent, plus polyvalents…
Ils n’ont par ailleurs aucune compensation quant aux salaires et à la reconnaissance Bac + 3 de leur formation nécessitant 3 ans d’études après le Bac.
Alors peut-on dire que cette réforme est une réelle volonté de transformation des diplômes de travailleurs sociaux ?
Mais ceci est un autre débat.

Par le Groupe étudiants de l’ANAS :
BONELLI Philippe, BOUKHTOUCHE Tinhinane, DIVIALLE Nadège, FORGET Elise et IBELAIDEN Lila


Jeudi 13 Novembre 2008




Notez

L'essentiel | Actualités | L'ANAS et vous | La Revue | JNE / JET | Outils de travail | Archives | Nos ouvrages | Foire aux questions