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Les textes réformant les diplômes en travail social ont été publiés le 23 août dernier. On ne peut que regretter la parution aussi tardive de ces textes pour une entrée en vigueur immédiate.
Cette « précipitation » pose question quant à la mise en place de cette réforme. La difficulté dans laquelle se trouveront probablement les formateurs, les étudiants et les professionnels accueillant des stagiaires nous questionnent particulièrement.
État des lieux de ce qui nous attend…
Cette « précipitation » pose question quant à la mise en place de cette réforme. La difficulté dans laquelle se trouveront probablement les formateurs, les étudiants et les professionnels accueillant des stagiaires nous questionnent particulièrement.
État des lieux de ce qui nous attend…
- Un cadre général inchangé
Tout d'abord, la formation des Assistants de Service Social (ASS) reste une formation dispensée sur trois années. Les domaines de compétences à valider sont toujours au nombre de 4 et la certification dépend de la DRDJSCS.
Le volume de 1740 heures de cours théoriques reste identique. Aucune nouvelle méthodologie d'intervention révolutionnaire ne fait son apparition.
Les formations en travail social auront toujours des organismes de tutelles différents, comme actuellement (les Éducateurs Spécialisés, dépendant de l’Éducation Nationale).
Ainsi les futurs diplômés seront Assistant de Service Social, Éducateur Spécialisé, Éducateur de Jeunes Enfants, Conseiller en Économie Sociale et Familiale, Éducateur Technique Spécialisé de façon spécifique.
- Les nouveautés
Si la validation des diplômes à un niveau II, donc à un grade licence, répond enfin à une très ancienne demande, il confirme par ailleurs que les temps de stage sont des temps de formation indispensables, au même titre que les apports théoriques.
- L'entrée en formation
Elle sera désormais possible par « Parcoursup » : les admissions pourront être prononcées après examen du dossier écrit de candidature. Un entretien sur les aptitudes et la motivation, effectué en centre de formation, reste actuellement à définir.
Une très grande vigilance est à maintenir sur le sujet. En effet, si cette nouvelle procédure d'admission semble pouvoir permettre une meilleure visibilité de nos métiers par les futurs candidats, celle-ci ne doit pas contribuer à une augmentation des choix « par défaut » et à une baisse du niveau d'admission en formation.
- Les stages et leur organisation
Les stages sont renommés périodes de « formation pratique » et représentent désormais 1820 heures, soit 52 semaines (contre 1790 heures dans la version antérieure du DEASS).
La professionnalisation des étudiants par et sur les terrains de stage nous semble ainsi réaffirmée par ce passage de 12 à 13 mois de formation pratique.
Comment cette formation pratique se répartit-elle ?
- La formation pratique de première année s'effectuera sur au moins 8 semaines, obligatoirement auprès d’un référent ASS. Cette période vient ainsi réaffirmer l’objectif de confirmation du projet professionnel de l’étudiant.
- Sur la seconde et troisième année, 44 semaines de formation pratique seront à effectuer. La moitié ciblée sur l’accompagnement social collectif (ISIC) sans référent ASS obligatoire, et l’autre moitié sur l’accompagnement individuel impérativement avec un référent ASS.
- Cette nouvelle organisation limite à 22 semaines la formation pratique sans ASS alors que, jusqu’à présent, les étudiants pouvaient effectuer jusqu'à 24 semaines de leur période de formation sans référent ASS.
- Ces « formations pratiques » pourront avoir lieu sur un maximum de 8 sites qualifiants. En effet, si les textes précisent qu'il « est fortement conseillé, [...] qu’un volume suffisamment conséquent soit prévu sur le même site qualifiant pour garantir la construction effective de la professionnalité », la gratification ne permet pas toujours aux étudiants de réaliser leurs stages sur le même site. Sachant que la précarisation d’un certain nombre d’étudiants est toujours préoccupante et bien qu’elle vienne fixer une limitation du nombre de lieux, cette organisation pourrait morceler encore davantage la construction de l’identité professionnelle.
- La notion de socle commun de compétences et de connaissances
Les textes viennent définir les compétences et connaissances communes qui constituent le « socle commun ». Ce socle regroupe les domaines de compétences 3, « la communication professionnelle en travail social » et 4 « les dynamiques interinstitutionnelles, partenariats et réseaux ».
Si ce dernier est censé favoriser l’acquisition d'une culture commune et faciliter le parcours de professionnalisation tout au long de la vie, la latitude laissée aux centres de formation dans l’organisation des enseignements de ce socle commun nous inquiète. La validation par l'administration, bien au-delà de nos préconisations ou de celles du rapport Bourguignon, ne vient donc que légitimer une mesure bien « pratique » pour certains organismes de formation qui pourront justifier l’enseignement de plusieurs modules en grand collectif interfilière au détriment de la qualité de transmission.
- De nouveaux apprentissages
Le Domaine de Compétence concernant la communication s'enrichit d'apprentissages en lien avec le numérique et un module de langues étrangères.
La formation s'enrichit d'un axe important sur la participation des personnes accompagnées. Elles contribueront à la formation des ASS, de l'élaboration des programmes à la dispense des cours. Cela se pratiquait dans certains établissements et devient obligatoire pour tous. Encore faut-il se donner les moyens de mettre en œuvre un réel niveau de participation. Malheureusement, les textes ne spécifient pas la participation des étudiants, premiers concernés.
- La validation des Domaines de Compétence (DC)
Le passage du diplôme est modifié, les étudiants valideront désormais trois domaines de compétences en centre de formation par un jury composé de 2 personnes. Si les textes prévoient « un formateur ou un universitaire et un professionnel confirmé du secteur », aucune information n’est donnée sur les compétences ou qualités requises pour les universitaires, et aucune précision n’est apportée sur ce qu’est un « professionnel confirmé du secteur ». Rien dans les textes ne dit que ce professionnel doit être ASS diplômé d’État… ni comment ce professionnel sera informé et formé.
Ce qui nous préoccupe, là encore, reste la mise en place de ces dispositions.
Un nécessaire travail d’homogénéisation des pratiques entre les territoires devra être réfléchi afin de garantir la qualité des enseignements et les modalités d’organisation des différentes épreuves.
Les disparités territoriales pourraient se voir accentuer par une telle organisation et mettre en difficultés formateurs, étudiants et professionnels.
Allons plus en détails…
- DC1 : « Intervention professionnelle en travail social » (auparavant « en service social »)
Les étudiants présenteront un oral et un écrit pour chaque méthodologie d'intervention, l'auto évaluation ayant disparue du DC1.
Ainsi, deux jurys seront organisés par les centres de formations en fin de 2ème et de 3ème année qui permettront aux étudiants d’obtenir quatre notes, dont la moyenne donnera leur note finale.
- DC 2 : « Analyse des questions sociales et de l’intervention professionnelle en travail social » (autrefois « Expertise sociale »)
Composé de 2 épreuves, il s’agit du seul domaine de compétence qui se déroulera en partie dans les locaux de la DRJSCS.
Les étudiants devront présenter un « diagnostic social territorial » élaboré individuellement ou collectivement, de 10 à 12 pages, à partir du repérage d’une problématique sociale territoriale. Cet écrit de coefficient 1 sera validé en centre de formation.
Le mémoire devient un mémoire de pratique professionnelle (anciennement mémoire d’initiation à la recherche dans le champ professionnel). Cette nouvelle forme semble, outre la démarche de recherche, laisser une grande place à la pratique et au positionnement professionnel. Une vigilance doit être portée sur la définition de ce travail au sein des différents centres de formation afin de tendre vers une méthodologie commune.
- DC3 : « Communication professionnelle en travail social »
Deux épreuves permettront de valider, en centre de formation, ce domaine de compétence.
Une épreuve orale tout d’abord, visant à l'élaboration d’une « communication professionnelle » à un destinataire cible réalisée à partir du diagnostic social territorial produit dans le cadre du DC2.
Ensuite, une « étude de situation », épreuve écrite, sera construite par le centre de formation et vise à la réalisation d’un écrit professionnel (rapport d'évaluation, compte rendu d'accompagnement destiné au dossier social, …).
- DC4 : « Dynamiques interinstitutionnelles, partenariats et réseaux »
Deux épreuves et trois notes seront nécessaires à la validation de ce DC, en centre de formation. Il s’agira de réaliser l’ « analyse d’une situation partenariale » issue de la formation pratique de deuxième ou troisième année. Cet écrit et sa soutenance permettront d’obtenir 2 notes qui seront complétées par un écrit de « contrôle de connaissances sur les politiques sociales ».
Ce dernier écrit sera validé par un formateur ou un universitaire.
L’ANAS espère vivement que les Assistants de Service Social en poste seront associés aux évaluations des étudiants tout au long de leurs parcours.
- Un livret de formation revisité
L’auto évaluation ayant disparue du DC 1, les textes permettent à présent aux étudiants de rendre compte de leurs expériences de stage dans le livret de formation pour la deuxième et troisième année.
Cette réforme réexamine l’ensemble des référentiels du DEASS. Le référentiel fonctions/activités est modifié :
- La fonction « Accueil / Évaluation / Information / Orientation » se scinde en 2 fonctions, à savoir « Accueil et écoute des personnes » et « Évaluation, conseil et orientation ».
- La fonction « Accompagnement social » devient « Accompagnement social individuel » et « Accompagnement social collectif »
- La fonction « Médiation » en tant que telle disparaît, ainsi que les fonctions « Expertise / Formation, Conduite de projets / Travail avec les groupes, Travail en réseau ».
- Une fonction « Conseil au développement des politiques sociales et territoriales » fait son apparition.
A ce sujet, Didier Dubasque, Assistant de Service Social et ancien Président de l’ANAS a, sur son blog « Écrire pour et sur le travail social », détaillé avec pertinence le référentiel dans son billet du 27 avril 2018 [1].
Dans le même temps, des changements non dus à la réforme s’imposent…
Dans le cadre de la VAE, un an d'expérience professionnelle à temps plein, au lieu de trois précédemment, seront nécessaires à la présentation du dossier en vue de l’obtention du DEASS. Cette durée inclut les périodes de stages effectuées en formation.
Selon nous, ce sont des conditions trop peu élevées compte-tenu de l'exigence nécessaire à la pratique professionnelle et il est à craindre un bien piètre niveau des dossiers de candidature qui pourront être déposés. Cependant, cela n’est pas dans les textes de la réforme, mais plutôt une conséquence de la loi El Khomri [2].
L’ANAS portera une vigilance accrue sur :
- La place donnée à l'université :
En effet, l’obtention du grade licence induit de nouveaux partenariats, particulièrement dans le cadre des conventions et de l’accréditation.
Du début du processus (entrée en formation) à la validation des diplômes, les représentants de l’Université, en l’occurrence des enseignants chercheurs et non des professionnels ASS, seront décisionnaires.
Nous restons donc en veille pour évaluer l’impact de ce nouveau partenariat sur la formation des ASS. En effet, selon les territoires et les accords passés entre les centres de formations et les universités, les contenus des formations pourraient être différents.
L’esprit initial de la réforme semble avoir disparu. En effet, elle mettait en exergue la possibilité pour les professionnels de venir chercher des connaissances et des compétences, dont ils pouvaient avoir besoin (formation continue). La réforme ne propose plus cette possibilité.
- L’obtention du niveau licence pour les anciens diplômés :
L’état va-t-il décider que les professionnels devront passer un module d’équivalence ? Quel en sera le contenu ?
L’ANAS reste ouverte à la proposition de collaboration aux réflexions concernant la mise en place de « passerelles » permettant aux professionnels diplômés avant 2021 qui le souhaitent, d'acquérir le grade Licence.
Les décisions concernant cette réforme ont été prises très rapidement par le Ministère, sans laisser le temps de concertation nécessaire ni avec les syndicats, ni avec les associations professionnelles. Les établissements de formation sont contraints de mettre en application le programme de réforme dans la précipitation dès cette rentrée 2018 (moins de 15 jours après la publication des décrets officiels).
Devant cette « urgence », la Commission Formation de l'ANAS s'attache dans un premier temps à répertorier, comprendre le sens des nouvelles dispositions et en informer l'ensemble des professionnels et étudiants, adhérents ou non. Vos réactions et compléments d'informations [3] sur la manière dont les modifications se déclinent dans les différents établissements nous permettront de maintenir la veille et d'accentuer notre vigilance sur certaines évolutions qui ne seraient pas compatibles avec le maintien d'une bonne qualité de formation.
La Commission Formation
[1] Blog de Didier Dubasque, Billet du 27 avril 2018, « Ce qui change dans la réforme du Diplôme d’État d’assistant(e) de service social avec le référentiel professionnel 2018 », disponible sur : https://dubasque.org/2018/04/27/ce-qui-change-dans-la-reforme-du-diplome-detat-dassistante-de-service-social-avec-le-referentiel-professionnel-2018-1/
[2] Décret n° 2017-1135 du 4 juillet 2017 relatif à la mise en œuvre de la validation des acquis de l'expérience, JORF n°0157 du 6 juillet 2017, texte n° 15, disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035104177&categorieLien=id
[3] Adresse mail : commission.formation@anas.fr