Les moyens ne suivent pas...


Il y a encore du chemin à faire pour une réelle reconnaissance de notre profession. Si nous pouvons nous satisfaire de la nouvelle définition de la profession d’assistant de service social qui tient compte de la totalité des points que nous désirions y voir abordé, il reste des points obscurs et chargés d'incertitude. Mais avant de traiter des aspects de la réforme du DEASS qui nous interrogent rappelons en les points positifs...



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Une définition, des référentiels professionnels et de certification de qualité.

Nous pouvons dire à l’ANAS que les référentiels professionnels et de certification sont bien élaborés. Et nous ne pouvons que remercier à ce sujet la commission formation de l’ANAS qui n’a cessé d’alimenter la réflexion en proposant les modifications que nous estimions nécessaires. L’articulation entre groupes de travail, représentants ANAS et commission a bien fonctionné. En outre, la conseillère technique en charge du dossier à la DGAS a su capitaliser la somme des propositions des différents participants aux groupes de travail et permettre un consensus sur ces questions essentielles. Le résultat est là une définition, des référentiels complets qui permettent aussi de bien mesurer la somme de compétences qu’il faut acquérir pour pouvoir ensuite assumer la complexité sociale et professionnelle actuelle

Un référentiel de formation plutôt satisfaisant mais rapidement construit avec des points à revoir.

Sans entrer dans un débat trop fastidieux, retenons que cette seconde partie des travaux qui devait aborder aussi la question du contenu de la formation et des éléments constitutifs de la VAE a été trop rapidement menée. Les échéances annoncées (septembre 2003 pour un passage en commission paritaire consultative début octobre) ont conduit à l’élaboration de documents l’été dernier qui auraient mérité d’être un peu plus travaillés. Ainsi la forme des épreuves et surtout la décision de proposer un mémoire de fin d’études limité à l’élaboration d’une problématique et des intentions que l’on a pour vérifier les hypothèses posées nous est apparue singulièrement réductrice de la capacité des professionnels à développer leur propre expertise.

Construire un mémoire en élaborant une problématique sans vérification des hypothèses posées nous apparaît comme un véritable contresens qui nous ont valu des échanges parfois vifs. Dans une note rédigée par 3 responsables et professionnels de centre de formation connus pour leurs compétence en matière de méthodologie (1), nous avons démontré que seul un mémoire rédigé en tenant compte de la totalité de la démarche permettait de vérifier les capacités de l’étudiant définies par le référentiel professionnel de certification.

Mais derrière ce débat technique se profile un autre enjeu. Soit l’assistant social est reconnu comme un professionnel capable de relier la question de la réalité sociale vécue par la population avec les politiques publiques et de proposer des solutions qui associe la personnes concernées, soit il devient un rédacteur de notes techniques pour décideurs administratifs et ne sont à terme en capacité que de gérer des dispositifs préétablis. Même si la ligne de partage peut se situer entre ces 2 extrêmes, il n’empêche que ce sont bien là 2 modèles professionnels qui s’opposent.

Ainsi c’est en quelque sorte à l’image de la catastrophe sanitaire survenue en France l’été dernier. Elle a provoqué le décès de milliers de personnes âgées. Ces personnes avaient assurément des droits ouverts, répertoriés dans des dossiers bien gérés avec des prestations en correspondance avec leur situation (APA), prestations ouvertes grâce à des évaluations bien formalisées. Cela ne les a pas empêchés de mourir de déshydratation car finalement la fragilité de leurs conditions de vie n’était ni dans les dossiers ni dans les préoccupations des professionnels chargés d’une seule expertise des besoins financiers liée à l’autonomie. On avait presque tout formalisé pour elles mais on n’avait pas prévu qu’elles allaient tout simplement mourir des conséquences de la chaleur...

Les conditions de mise en œuvre de la validation des acquis de l’expérience sont toujours aussi floues. Un organisme d’agrément de formation continue (Promofaf) serait sur les rangs pour la conduire ; les centres de formation sont également prêts à s’y investir. Mais là aussi la question des moyens sera posée.

Lors de notre rencontre au ministère, la conseillère technique de François Fillon nous a indiqué que son secrétariat ne voyait pas d'urgence à signer les décrets d'application permettant la mise en oeuvre de la réforme. Rien ne nous indique qu'elle soit effective pour la rentrée 2004...

Enfin la décentralisation des centres de formation avec une accréditation accordée par les Régions interroge aussi la nécessaire autonomie pédagogique des formateurs. Là aussi il y a des risques de "dérapage".

Une réforme sur le contenu des études, mais pas de reconnaissance sur les moyens ni les résultats

On le sait, les centres de formation rencontrent chaque année des difficultés pour boucler leurs budgets. Or il est clair que la réforme doit être assumée financièrement par les régions. Ainsi l’apprentissage d’une langue vivante (anglais ou espagnol) devra être intégrer dans le cursus de la formation. cela a un coût supplémentaire. Ainsi les établissements seront invités à faire preuve d’imagination en doublant les classes pour certains cours et en demandant aux étudiants encore plus d’autonomie dans leur travail. Déjà pour suivre la formation, ils doivent régler une somme non négligeable de frais de scolarité ( 750 euros par an environ soit 5 fois plus qu’à l’université ).

Or aujourd’hui de nombreux étudiants peuvent être tentés par d’autres voies d’accès au travail social. Ainsi en s’inscrivant à l’université non seulement les étudiants paieront moins cher pour suivre leurs études mais de plus ils obtiendront une licence professionnelle monnayable en tant que contractuel avec un statut de cadre A dans la fonction publique. De leur coté les assistants sociaux devront continuer à être recrutés cadre B dans l’administration avec bien évidemment un niveau inférieur à la licence malgré les 3 années d’études.

On en est encore là aujourd’hui. La question qui se pose est désormais la suivante : Comment notre profession pourra-t-elle garder son attractivité ?

Mal payés, avec un niveau de responsabilité important, parfois instrumentalisés par certaines institutions, il devient de plus en plus difficile de valoriser une profession qui pourtant garde tout son sens et reste un outil incontournable de la mise en œuvre des politiques publiques (notamment dans le cadre de la protection de l’enfance, de l’accès aux droits, et de l’insertion). Les mois qui viennent vont nous voir chargés d’une autre mission avec la mise en œuvre du RMA. Là aussi notre profession risque fort d’être interrogée par des dispositifs susceptibles de mettre à mal la relation aux usagers. Il nous faut dans ce domaine être capable de faire preuve d’initiatives et de propositions pour éviter tout risque de maltraitance institutionnelle à l’égard des usagers.

Il nous reste encore beaucoup de chemin à faire pour obtenir une véritable reconnaissance. Celle ci passera aussi par la preuve apportée au quotidien de notre compétence. On comprendra bien aisément que cela ne sera pas suffisant. Il nous faut sans cesse expliquer pourquoi et comment nous agissons auprès de la population.

Il nous faut faire face à ces différents enjeux et prouver comme par le passé que notre profession a du sens et qu’il n’est pas question de nous faire faire n’importe quoi au nom d’une efficacité de gestion qui n’a pas encore prouvé qu’elle apportait des réponses satisfaisantes notamment en matière d’insertion. A nous d’être offensifs, déterminés, et porteurs des valeurs qui structurent notre profession. Ces valeurs, nous les partageons avec de nombreux collègues issus de des autres métiers du social et ainsi que de l’administration. C’est avec eux que nous pouvons construire des interventions sociales de qualité, respectueuses des personnes les plus fragiles et de la population pour laquelle nous agissons..

(1) La note signée par Henri Pascal, Cristina de Robertis, Marie Geneviève Mounier et Marie André Sadot a été remise à la DGAS et à la conseillère technique de François Fillon le 17 octobre dernier.

Didier Dubasque

Mercredi 12 Novembre 2003

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