Association nationale des assistants de service social

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Le Président de l'ANAS écrit au Ministre de la Ville et du logement


Les propos critiques prononcés par la Ministre de la Ville et du logement envers les travailleurs sociaux le 21 janvier 2008 (cf par exemple ASH du 25 janvier) nous amènent à lui faire un courrier ci-joint. Nous avons choisi de rappeler quelques points de connaissances sur le travail social aujourd'hui qui semblent manquer à Madame la Ministre. C'est ce que laisse en tout cas supposer la généralisation abusive de ses affirmations. De plus, nous rappelons le contexte actuel et ses paradoxes souvent nourries par les plus hauts responsables politiques. Nous signalons aussi nos actions nombreuses pour que les usagers soient au centre de l'action du travail social, sujets de leur vie plutôt qu'objet. Et puisque nous sommes d'accords sur le fond quant à la prise en compte des personnes, nous préférons retirer de ses déclarations la convergence avec ce que nous défendons et mettons en oeuvre au quotidien que le caractère erroné et inutilement accusateur du propos.



Le Président de l'ANAS écrit au Ministre de la Ville et du logement
Madame la Ministre,

Nous avons pris connaissance avec intérêt de votre intervention du 21 janvier 08 en clôture du colloque organisé par le centre d’analyse stratégique et la délégation interministérielle à la ville.
Nous souhaitons vous exprimer notre satisfaction de voir ainsi soulignée l’importance des interventions professionnelles visant à réhabiliter les compétences parentales dans les situations de difficultés éducatives que les familles rencontrent. De même, nous apprécions votre soutien à la nécessaire inventivité dont fait effectivement preuve le travail social dans la mobilisation de ces ressources au quotidien. On sous-estime trop souvent le nombre des actions et la qualité des pratiques dans ce domaine.
Votre intervention va permettre de mettre en lumière la place de plus en plus prépondérante de ce thème dans les théories et pratiques du travail social. Ainsi, à titre d’exemple :
- Le Code de déontologie des assistants de service social, dont la première version date
de 1949, stipule dès le début que « l’intervention vise (…) au développement des
potentialités de chacun en le rendant acteur de son propre changement »
- Les principes de participation et d’autodétermination sont deux des fondements de
l’intervention sociale. Ils sont d’ailleurs énoncés parmi les principes éthiques de la
Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux : « Les travailleurs sociaux doivent
se concentrer sur les compétences de tous les individus, groupes et communautés et
promouvoir ainsi leur autonomisation. ».
- Le concept d’Empowerment, qui peut se définir comme étant la façon par laquelle
l'individu accroît ses habiletés favorisant l'estime de soi, la confiance en soi, l'initiative
et le contrôle, rencontre un succès grandissant chez les assistants de service social.
- L’intervention à partir des compétences des familles, favorisée par l’approche
systémique, permet de dépasser des modèles anciens reposant sur les failles des
personnes.
- La promotion et l’intégration dans la pratique du Droit des usagers, mouvement
renforcé par la loi 2002-2, renforce la place des personnes dans leurs relations avec les
travailleurs sociaux.
- Les pratiques de Travail social collectif permettent aussi d’aller vers le soutien à la
compétence des parents, ce qui leur permet de reprendre leur place et responsabilité.
- Le Conseil Supérieur du Travail Social préconisait en 2007 le renforcement des
pratiques de co-construction et d’alliance entre travailleurs sociaux et personnes
accueillies.

Par ailleurs, la formation initiale et continue des assistants de service social, ente autres,
intègre déjà l’ensemble de ces données : elle présente des références disciplinaires en
évolution articulées aux expériences de terrain. A titre d’exemple, le renforcement de
l’Intervention Sociale d’Intérêt Collectif aux côtés de l’Intervention sociale d’aide à la
personne lors de la réforme du D.E.A.S.S. en juin 2004 montre cette volonté d’évolution en ce qu’elle place « l’usager » en acteur principal et l’Assistant de service social comme personne ressource.

Ce sont ces idées qui ont amené notre association à s’élever en 2006 contre le Contrat de Responsabilité Parentale, qui accable les parents et tend à substituer leur responsabilité par une série d’injonctions imposées. De même lors de la discussion devant l’assemblée nationale de la loi de prévention de la délinquance, à l’occasion de laquelle nous avions été en contact. La mise à l’écart les familles de toute consultation et accord alors que s’organisaient des transmissions d’informations les concernant au premier chef, vous avait vous aussi inquiété. Cette volonté que soient associés les parents a encore motivé nombre de nos interventions lors des travaux sur la réforme de la protection de l’Enfance. Ce souci de la place des personnes et de la valorisation de leurs compétences se retrouve plus largement, comme le montrent nos récentes interventions dans les travaux du « Grenelle de l’insertion ».

Cependant, pour favoriser une prise en compte globale des parents dans leur environnement ainsi que les interactions complexes qui s’y déroulent, il faut dépasser l’écueil d’une responsabilisation strictement individuelle des personnes dans leur parcours. Cette pensée est de plus en plus présente dans notre société, parfois véhiculée par les plus hauts responsables politiques. Or, voilà les travailleurs sociaux placés devant une injonction paradoxale : valoriser chacun à la lumière de ses savoirs faire propres dans un contexte qui le place implicitement comme responsable-coupable de l’ensemble des difficultés qu’il rencontre. La volonté de responsabilisation des parents ne peut occulter les responsabilités de la société dans ce qu’elle produit.

Vous soulignez aussi l’importance de la créativité dans les pratiques de travail social.
L’innovation est en effet intimement liée aux fondements de nos métiers. En effet, une
obligation de compétence et de formation continue s’impose à nous. Elle permet une
évolution des pratiques en adéquation avec les avancées des connaissances en sciences sociales et une prise en compte de la réalité des terrains. Cependant, trouver les espaces pour développer ces pratiques innovantes ne va pas de soi et implique une volonté forte tant des professionnels que des institutions dans lesquelles ils exercent.

Votre volonté clairement exprimée de soutenir les professionnels dans une intervention les situant comme accompagnant les parents dans le développement et l’expression de leurs compétences est donc une bonne nouvelle.

Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression des mes respectueuses salutations.

Le Président
Laurent PUECH

Mardi 29 Janvier 2008




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