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Communiqué du Conseil Supérieur de Travail Social


Dans le cadre de sa mission de veille et d’expertise, le Conseil supérieur du travail social (CSTS) a souhaité apporter sa contribution aux réflexions menées actuellement tant sur la crise générée par les violences urbaines, que sur la protection de l’enfance et la délinquance des mineurs.



Assemblée plénière du 02/12/2005

Communiqué du Conseil Supérieur de Travail Social
Le CSTS, réuni en assemblée plénière le 2 décembre 2005, souhaite rappeler quelques éléments fondamentaux que de nombreux rapports produits ces dernières années1 dans le cadre de la protection des mineurs ont pu mettre en exergue.

Comme le rappelle le rapport du groupe présidé par Mme HERMANGE, la protection des mineurs est « une réalité préoccupante en dépit des politiques existantes » et il est ajouté qu’il faut « la mise en place de politiques ambitieuses et équilibrées visant à apporter un soutien adapté au mineur et à son environnement avant qu’une situation de crise ne survienne ». Cette situation de crise individuelle ou collective est malheureusement survenue ces dernières semaines sous la forme de violences urbaines dans de nombreuses villes.

Le CSTS qui a pour rôle la réflexion, l’expertise et la veille sociale, souhaite, compte tenu de cette situation très préoccupante, s’exprimer en rappelant des éléments de fond.

A) Comprendre et traiter en profondeur la situation de crise sociale urbaine

Tout d’abord, au-delà du nécessaire retour à l’ordre, c’est la question des causes qu’il convient de se poser. Elles ont été largement débattues ces dernières semaines : cités-ghettos dégradées, absence de mixité et de métissage social, échec scolaire, chômage, pauvreté, discriminations raciales, inégalités démultipliées, manque de logement social, manifestant là une profonde fracture dans la population, des failles de l’intégration à la française et la panne de « l’ascenseur social ». Déjà le Conseil de l’Europe qui avait en octobre 2004 publié un rapport sur Les réponses à la violence dans une cité démocratique rappelait que « l’exclusion n’est pas le produit de défaillances individuelles ou encore d’une inadaptation sociale, mais le résultat d’un processus de refoulement hors de la sphère productive d’une partie de la population ». Au-delà de la misère humaine et sociale, toutes aussi importantes sont les significations symboliques :

d’une part, de la désespérance et du regret que dans le modèle républicain, l’égalité et la fraternité ne soient pas réellement mises en œuvre et que soient essentiellement proposés des modèles de réussite et de performance, relevant d’une conception individualiste.

d’autre part de la demande d’égalité et d’équité, de respect, de reconnaissance et de justice sociale. « les origines de la violence ne sont pas à ranger exclusivement dans le cadre des causes économiques et sociales, telles l’absence de perspectives d’avenir, mais se situent également dans le registre du symbolique, étant entendu que pour un jeune, le symbolique consiste à reconnaître qu’une place lui est assignée » (rapport HERMANGE)

Face à une situation aussi détériorée, les réponses à apporter sont complexes. Beaucoup sont cependant déjà connues. Le CSTS, suivant en cela le rapport du Conseil de l’Europe, considère que les actions suivantes sont nécessaires:

développer une politique de prévention, dont le moteur principal est l’éducation, qui doit s’inscrire dans la durée. Si l’on veut réintroduire les jeunes dans un « ciment citoyen », on peut le faire avant tout par une écoute et une relation d’échange dans un climat de confiance permettant un véritable dialogue et par une approche éducative de proximité basée sur le respect de la personne. En effet, cette attitude participe à l’établissement d’un lien social entre le jeune et la société.

restaurer le système social d'accompagnement des cités, en veillant en leur permanence en leur sein des équipements publics de droit commun, en facilitant la présence et le travail des professionnels (travailleurs sociaux, autres opérateurs sociaux…), l’aide au développement et à la généralisation du tissu associatif, le soutien aux parents en renforçant le programme d’aide à la parentalité, le développement de la démocratie participative… Ces maillons sont indispensables à la prévention et au lien social. Le travail de construction d'un tissu social par le maillage associatif et professionnel de proximité est un travail non spectaculaire et de longue haleine mais irremplaçable.

Conforter la place de la prévention spécialisée, qualifiée d’ « outil préventif complémentaire » et d’ « outil précieux » dans le rapport HERMANGE. La prévention spécialisée est considérée comme très importante par le CSTS.

« donner du temps au temps » pour obtenir des résultats réels et de fond : garantir une disponibilité suffisante des intervenants sociaux chargés de ces mesures, mais dans le même temps offrir des délais d’attente courts pour l’accès des mineurs en difficulté aux mesures de protection ; donner du temps aux professionnels pour un travail en profondeur avec les usagers et pour des échanges avec les autres acteurs locaux.

repenser la politique d’action socio-éducative en faisant travailler collectivement les services publics de l’éducation, de l’action sociale, de la justice, de la police, les bailleurs sociaux, les associations, aux côtés des élus, mais en respectant la légitimité et le rôle de chacun, leur complémentarité, avec leurs propres logiques dont celles de confidentialité à laquelle il ne doit pas être porté atteinte. Cette politique devrait permettre aux jeunes et aux adultes de trouver leurs places respectives à l’intérieur du groupe social. La démarche proposée par le rapport HERMANGE, de « construire une démarche de reliance, de coordination et de dialogue entre l’ensemble des partenaires » est à ce prix.

Les responsables communaux et leurs services seront d’autant plus efficients dans la prévention de la délinquance qu’ils prendront en considération le rôle spécifique des travailleurs sociaux et notamment celui de référent du mineur, et développeront la mise en synergie des spécialités, des professionnalités et des compétences.
De même, concernant le partage des informations, le CSTS rappelle la pertinence de la confidentialité pour obtenir la confiance et le respect de l’intimité. La transmission de données personnelles ne peut être effectuée que pour un but et un usage prédéfinis explicitement, avec toutes les garanties et dans le cadre réglementaire.

Dans ce contexte, le CSTS souhaite réaffirmer l’importance du volet social de la prévention de la délinquance. Le bureau du CSTS écrivait dans son avis de Mars 2004 qu’ « il nous parait important de rappeler que toute personne en difficulté sociale, éducative ou matérielle n’est pas un délinquant potentiel et qu’aider une personne à se mettre dans une dynamique d'insertion et lui permettre d'accéder à plus d'autonomie constitue le meilleur rempart contre la délinquance. D’autant que le travailleur social a autant à se préoccuper de ceux qui sont porteurs de souffrances silencieuses que de ceux dont les symptômes peuvent gêner la collectivité ».

B) Contribuer et participer au débat national sur la Protection de l’enfance

Concernant l’enfance en danger, le CSTS souhaite participer au débat et à la réflexion lancée suite à l’appel des 100 et largement repris par élus et professionnels, sur l’analyse des dysfonctionnements des mécanismes d'alerte et de suivi concernant la protection de l’enfance. De nombreux rapports dont celui de l’ONED soulignent la nécessité d’améliorer le système français de protection de l’enfance afin de mieux garantir la protection et les droits des enfants. Il relève du rôle du CSTS de contribuer à cette réflexion pour le renouveau de la protection de l’enfance, saluée comme une démarche « originale, pluraliste et complémentaire » par le Ministre Philippe BAS qui affirme que « La volonté du Gouvernement est de donner un souffle nouveau à la protection de l’enfance en réformant en profondeur notre dispositif ».


Quelques rapports officiels :
- Rapports : Pierre NAVES-Bruno CATHALA, "Accueils provisoires et placements d'enfants et d'adolescents : des décisions qui mettent à l'épreuve le système français de protection de l'enfance et de la famille", juin 2000
- Rapport : Claude ROMEO, « l’évolution des relations parents-professionnels sur la protection de l’enfance », 2001
- Rapport : HERMANGE, « La sécurité des mineurs », mars 2005
- Rapports : annuels de la défenseure des enfants, Claire BRISSET,
- Rapport : Philippe NOGRIX, « L'amélioration de la procédure de signalement de l'enfance en danger », juillet 2005
- Rapport : Louis DE BROISSIA « L'amélioration de la prise en charge des mineurs protégés », avril 2005
- Rapport : Valérie PECRESSE et Patrick BLOCHE, députés, « Repenser la protection de l'enfance et agir », octobre 2005

Les rapports du CSTS :
- Avis du CSTS sur le pré-projet de loi pour la prévention de la délinquance, du 5 mars 2004
- Rapport CSTS « Éthique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux » , édit ENSP, 2001
- Rapport CSTS « L’intervention sociale d’aide à la personne », édit ENSP, 1998
- Rapport CSTS « Nouvelles technologies de l’information et de la communication et travail social » , édit ENSP, 2001
- Rapport CSTS sur « Violence et champ social », Edit ENSP 2001
- les trois rapports du CSTS à paraître en juin 2006 :
* Le travail social face à la grande pauvreté et à l’exclusion,
* L’usager au centre du travail social, représentation et participation des usagers,
* Décloisonnement et articulation du sanitaire et du social

Samedi 3 Décembre 2005




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