Assistants sociaux, Educateurs spécialisés, Conseillers en économie sociale et familiale : Quel avenir pour nos professions ? La réponse de la CPC : la disparition et la fusion...


Dans le cadre des États Généraux du Travail Social, le groupe de travail de la Commission Professionnelle Consultative «Métiers et complémentarités» a présenté, le 9 octobre dernier, aux associations professionnelles une note d'étape qui vise à présenter une nouvelle architecture des diplômes du travail social.



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La commission a pu ainsi développer un argumentaire justifiant une complète réorganisation des professions sur l'ensemble des niveaux. Si certains éléments d'analyse développés sont pertinents et partagés par tous, cette présentation a fait l'impasse sur un certain nombre de points qu'il convient de rappeler.
 
En effet, le scénario privilégié par la CPC opte pour la création d'un seul diplôme par niveau d'étude, ce qui engage à terme la disparition des diplômes d’État de 5 professions (assistant de service social, éducateur spécialisé, conseiller en économie sociale et familiale, éducateur de jeunes enfants et éducateur technique spécialisé).
 
Cette proposition vise à créer une seule approche et culture professionnelle par niveau de formation. Cela veut dire très concrètement que cette construction professionnelle se structurerait sur 18 mois en intégrant tout ce qui fait la diversité et la richesse de plusieurs professions qui actuellement s'acquiert au cours d'un processus de formation s'étendant sur une période de 36 mois pour chacun d'entre eux.
 
Il est précisé que cette uniformisation viserait à renforcer la reconnaissance des professionnels. Qu'en sera-t-il pour les personnes aidées et accompagnées ? Le travail de l'éducateur, du conseiller ESF et de l'assistant social s'articule au bénéfice des personnes. Il leur permet de disposer d'une offre d'aide plurielle et diversifiée .Demain une seule approche leur sera proposée même si 2 grandes familles professionnelles sont garanties par  40% du temps de formation  restant  (aide  et développement social pour l'une et  accompagnement socio – éducatif pour l'autre).
 
La disparition des « métiers [1] du travail social provoque la disparition de leurs règles professionnelles et du secret par profession inscrit dans le code de l'action sociale pour les assistants de service social. Seul ne demeurerait que le secret par fonction et mission. Pour l'ANAS cette disposition est inacceptable car elle réduit la garantie de respect de la vie privée pour les personnes et les familles.
 
Les nouvelles formations comporteraient un tronc commun à hauteur de 50 % du temps total où seraient intégrés les différents « cœurs de métiers » actuels (par exemple assistant de service social, éducateur, conseiller en ESF...) pour n’en former plus qu’un seul.
 
L’objectif, selon ses promoteurs, permettrait de créer une culture commune du travail social, de mieux délimiter le champ d'intervention, de renforcer le travail social, afin de mieux situer les complémentarités avec les autres acteurs de l’intervention sociale. Ce choix repose notamment sur le fait de vouloir séparer diplômes et emplois, de renouveler ainsi l’offre de certification, afin de faciliter, selon ce groupe de travail, la mobilité des professionnels au sein du Travail Social et en dehors de ce champ.
 
L’objectif serait de rendre mieux visibles les compétences. Le risque avec la refonte des diplômes est de transformer des professionnels de la relation d'aide en professionnels de la méthodologie. Risque sur lequel l'ANAS sera vigilante. Mais est-il également utile de rappeler que justement la séparation entre professions du travail social, les métiers [2] et fonctions assurées existent déjà ? Les équipes pluridisciplinaires de travailleurs sociaux favorisent  une meilleure compréhension des situations, des stratégies d'intervention mieux ciblées et permettent aux personnes de mieux se situer. Effectivement un éducateur, un conseiller en ESF et un assistant social n'ont pas les mêmes approches et disposent de méthodologies d'intervention complémentaires et adaptées à la diversité des situations. Tout comme un seul professionnel ne peut construire de bout en bout une maison  - il faut des maçons, des électriciens, des charpentiers etc. L’extrême diversité du champ d'intervention du travail social justifie une diversité des professions  dans leurs domaines respectifs.
 
Cette refonte des professions en une seule possède surtout un avantage économique. Elle diminue, dans le champ de la formation, le nombre de projets pédagogiques : un seul programme devant englober tous les autres, ce qui ne pourra se faire qu'avec une perte et des « impasses » quant au contenu de la formation dispensée. Uniformisation et réduction des coûts sont aussi les mots clés de cette réforme qui n'hésite pas à balayer en quelques lignes 70 ans d'histoire du travail social.
 
Il existe dans plusieurs pays européens et notamment anglo-saxons des « travailleurs sociaux  » dénommés « social workers ». Ces travailleurs sociaux correspondent dans leur formation, et leur méthodologie à ce que sont aujourd'hui les assistants de service social en France. Ce sont des professionnels généralistes susceptibles d'intervenir dans tous les domaines du travail social comme par exemple dans les entreprises, les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale, ou encore le secteur associatif. Cette référence au travailleur social unique comme dans d'autres pays, présuppose une méthodologie d'intervention, une déontologie reconnue, la protection du titre, et enfin le respect du secret professionnel. Tout ce qui caractérise actuellement les assistants sociaux français.
 
Faut-il rappeler que l'époque du travailleur social unique  a déjà existé dans notre pays: c'était avant la seconde guerre mondiale où une seule profession existait : celle d'assistante sociale [3]. Elle était alors mise en concurrence avec des professionnels non diplômés. L'histoire nous a montré que la création de professions nouvelles a été justifiée par des besoins clairement identifiés. Mais cela est allé à l’extrême avec la création d'une multiplicité de  métiers qui ne sont pas véritablement stabilisés, sans modalités pratiques et de méthodologies communes sur le territoire national.
 
Pour autant l'ANAS est favorable à la mise en œuvre de troncs communs comme cela se développe progressivement. Nous estimons que la durée de 12 mois de formation commune sur les fondamentaux du travail social est envisageable sous certaines conditions. Il reste nécessaire d'étudier, programme par programme, ce qui est commun et ce qui distingue nos professions afin de permettre une clarification de ce qui fait la richesse et la complémentarité de nos interventions respectives.
 
En effet, la culture commune du travail social, de ses valeurs et finalités existe déjà. Le choix de la CPC de se positionner en rupture complète avec une réalité issue d'une histoire est pour le moins révélateur : il s’agirait bien, pour les professionnels de niveaux III actuels, de « se resserrer » sur LE métier de travailleur social. Il s’agit bien d’un « changement de paradigme».
 
Le risque actuel de ne pas opérer de tels changements, selon le groupe de travail, serait d’aller vers un émiettement des « figures professionnelles », d’où la nécessité de les concentrer, afin de mieux se  positionner. Le risque mentionné également est d’aller vers une croissance forte des niveaux V et IV, au désavantage des autres niveaux.
 
Les personnes aidées connaissent bien la figure professionnelle de l'assistant social et de l'éducateur. Celle du conseiller  en ESF se développe aussi. Nous tenons particulièrement à ce que ces professions ne soient pas rayées d'un coup de crayon sur des prétextes discutables car ne reposant pas à notre connaissance sur des études validées et certifiées mais simplement sur des hypothèses non vérifiées. Le problème est construit intellectuellement mais ne répond pas à une réalité de terrain en ce qui concerne ce niveau III.
 
Le groupe CPC a estimé, lors de cette rencontre avec les organisations professionnelles, qu’il ne faut pas « s'arc-bouter » sur des fondements anciens, sans pour autant faire complètement « table rase » du passé. Il s’appuie sur le rapport « Duboucher/Gesté »  qui a étudié la réingénierie des diplômes. Dans le cadre de l’enquête réalisée, des assistants de service social déclarent remplir un rôle de « guichetier » alors que leur formation les a préparés à des interventions forts différentes notamment dans le cadre de l'aide à la personne et du travail social collectif.
 
Or sur cette question, ce qui pose véritablement problème est bien le contenu de la commande publique et l'organisation mise en place par les employeurs, notamment par les collectivités territoriales qui ont demandé à leurs travailleurs sociaux de gérer une multitude de dispositifs qui ne sont pas « de droit » mais qui sont tous conditionnés à des règles particulièrement complexes et restrictives que bien peu maîtrisent ! Par ailleurs est-il besoin de rappeler que les personnes accompagnées ne se réduisent pas à des failles ou à des vulnérabilités ?
 
Nous sommes en désaccord avec un projet de réforme qui remet en cause plusieurs points essentiels :
  Un projet qui fait disparaître l’ensemble des diplômes actuels en Travail Social, pour aller vers un diplôme unique pour l'actuel  niveau III.  Le fait que  certains emplois soient occupés par exemple par des travailleurs sociaux de professions différentes dans certains secteurs d’activité, ne signifie pas qu’il faille supprimer la richesse des différentes approches, justement fondées sur des formations et des méthodologies d'intervention différentes, tout cela au bénéfice de la personne aidée.   Une lecture orientée et partielle de l'Histoire du travail social [4] remettant en cause cette longue construction, portée par ce qui fait notre raison d'être (le sens) et qui s’ancre dans les différentes évolutions du contexte de la société. Les assistants sociaux même dans les heures les plus noires de  l'histoire ont su de tout temps s'adapter et trouver des réponses, toujours dans l'intérêt des personnes les plus exclues.  
  Une réforme essentiellement centrée sur une analyse de l'exercice du travail social dans les collectivités publiques et territoriales. La question du travail social en entreprise par exemple, est peu voire pas du tout abordée dans le champ des états généraux. Est-il nécessaire  de rappeler que le travail social s'adresse à tous et non pas à une seule catégorie de population même si certains doivent bénéficier prioritairement de toute notre attention ?  
Pour autant nous avons des points de convergence et sommes en accord sur plusieurs aspects de cette note notamment les points qui portent sur :
  L’alternance intégrative, comme fondement des formations en travail social. Cela est essentiel pour permettre aux professionnels de demain d'agir avec compétence et discernement.   La reconnaissance au niveau II des actuels diplômes de niveau III que l'ensemble des travailleurs sociaux réclament depuis longtemps   Le principe d’un tronc commun au sein des formations dans une proportion permettant de bien préciser ce qui fait sens partagé, de ce qui distingue les pratiques professionnelles et notamment les méthodologies  
En conclusion :
 
L'ANAS invite l'ensemble des assistants de service social à s'informer, à échanger et faire part de leurs réflexions en s'adressant aux sections départementales et régionales.
 
L'ANAS va rencontrer les associations et collectifs de travailleurs sociaux qui souhaitent se mobiliser pour l'avenir de leurs professions. Nous leur proposons  un engagement collectif dans  une opposition constructive visant à  promouvoir des pratiques professionnelles diversifiées et portées par du sens, dans le respect des personnes aidées et de l'intérêt collectif. Dans une société moderne et respectueuse des valeurs démocratiques, nous estimons nécessaire que les professionnels soient non seulement entendus mais aussi respectés dans leurs identités.


Anne-Brigitte COSSON
Présidente de l'ANAS
 
[1] Le ministère et les pouvoirs publics continuent de considérer que nos professions sont des métiers ; or, du point de vue de la sociologie, il s'agit de professions disposant de tous les éléments permettant de les reconnaître comme telles.
 
[2] Rappelons une nouvelle fois qu'une profession est certifiée et possède ses règles propres ainsi qu'un diplôme d’État alors qu'un métier  est défini  par le centre national de ressources  textuelles et lexicales (CNRS Université de Nancy) comme « Habileté, savoir-faire dans la production ou l'exécution manuelle ou intellectuelle acquise par l'expérience, la pratique que confère un métier ou une activité permanente ». Il n'y a pas besoin de certification pour exercer un métier qui se limite à la dimension technique du geste professionnel qu'il soit manuel ou intellectuel.
 
[3] La déclinaison est au féminin puisqu'à l'époque aucun homme n'exerçait ce travail.
 
[4] Nous joignons à cette note la réaction d'Henri Pascal auteur de « Histoire du travail social en France De la fin du XIXe siècle à nos jours » Rennes Presses de l’EHESP Coll. Politiques et interventions sociales 2014 qui a rédigé un avis sur la partie historique de la note de la CPC

 

Communiqué avenir des professions de niveau III avec ensemble des corrections VFinale[1].pdf  (101.37 Ko)
Note sur un regard sur l'histoire du Travail social.pdf  (82.09 Ko)


Mardi 18 Novembre 2014

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