Association nationale des assistants de service social

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Travail Social Communautaire : une interpellation bienvenue, une question au travail pour les assistants de service social


Un appel « pour mieux vivre ensemble, promouvoir le travail social et le développement communautaire »(1) est lancé par un groupe de responsables et militants engagés dans le développement social. Les auteurs se proposent d’organiser une journée nationale en février et se donnent comme objectifs de :
– Développer les valeurs républicaines et la notion de communauté dans l’intervention sociale,
– Définir les concepts de développement social et de travail social communautaire
– Favoriser la prise en compte de ces dimensions dans la formation initiale et tout au long de la vie des travailleurs sociaux. (2)

L’Association Nationale des Assistants de Service Social (ANAS) se félicite de cette initiative et partage le souhait de voir se développer les conditions d’un travail d’intérêt collectif de qualité avec les usagers. Ceci d’autant plus que les assistants de service social sont souvent en première ligne des projets et initiatives de l’intervention sociale d’intérêt collectif (ISIC).



Travail Social Communautaire : une interpellation bienvenue, une question au travail pour les assistants de service social
L’ISIC en France

En effet le travail social communautaire, le travail social avec des groupes et le développement social local ne sont pas des méthodologies récentes. Elles sont nées avec la professionnalisation des assistants sociaux lors du mouvement des « résidences sociales », ancêtres des actuels centres sociaux, au tout début du XXème siècle. Elles se sont développées comme réponse à l’exode rural et à la croissance urbaine dans les années 1960 – 1970.
C’est ainsi que l’enseignement des méthodes de travail social communautaire et du service social de groupe ont été inscrits dans le programme d’études des assistants sociaux français depuis 1962.

Le Conseil Supérieur du Travail Social a publié en 1987 un rapport et des recommandations sur ces méthodes qu’il a renommé « Intervention Sociale d’Intérêt Collectif ». Ce document fait une analyse historique et sémantique du travail social communautaire, action sociale collective et développement social local, suivi d’une étude du dispositif législatif et réglementaire de l’époque. Un rapport complémentaire, publié dans la Revue FORUM (3), a produit des propositions spécifiques pour la formation des travailleurs sociaux.

L’intervention sociale d’intérêt collectif se définit comme l’action des travailleurs sociaux auprès de personnes constituées en groupe, sur un territoire ou dans une institution, ayant pour objectif de :
- Créer des réponses collectives à des problèmes collectifs
- Faciliter l’accès aux ressources existantes et/ou créer des nouvelles
- Développer l’autonomie personnelle et sociale par la participation citoyenne à la vie sociale locale

L’ISIC comprend les différents niveaux d’intervention en travail social : du travail auprès de petits groupes jusqu’au développement social local. Regrouper ces différentes dimensions dans une même définition a comme avantages de mettre l’accent sur le processus (passage d’un niveau vers les autres), sur la participation indispensable des personnes et la centration sur leurs propres capacités et dynamismes.

Les contradictions actuelles

Or, aujourd’hui par rapport à la mise en œuvre des interventions sociales d’intérêt collectif, nous pouvons relever plusieurs éléments contradictoires :
- Il existe un discours politique qui donne injonction aux travailleurs sociaux de développer des approches collectives de travail avec la population, les préconisations du rapport de l’IGAS en sont un exemple récent (4). En même temps, la priorité donné aux dispositifs qui parcellisent l’action sociale, l’intervention individuelle conçue comme une prestation de service et non comme une aide à la personne, l’accroissement des tâches administratives et bureaucratiques de gestion des prestations, fait que les conditions de travail des assistants sociaux se dégradent. L’élaboration et le pilotage de projets d’intervention collective deviennent alors de plus en plus difficile.

- Aujourd’hui, de très nombreuses interventions d’intérêt collectif sont mises en place par des travailleurs sociaux convaincus de leur intérêt et du fait qu’elles constituent une réponse adaptée et efficace aux problèmes sociaux des usagers. L’effort et la détermination des professionnels restent très peu soutenus par les orientations, les missions et les moyens institutionnels des employeurs.

- Les développements des différentes politiques urbaines depuis une vingtaine d’années, ont mis l’accent sur des procédures organisationnelles globales, les injonctions descendantes et sur la répartition entre les associations de la manne des subventions de l’Etat. Dans ce contexte, la place des personnes et des groupes est inexistante, leur parole est peu sollicitée, cela ne favorise pas la prise de responsabilités et d’initiatives sur le plan local.

La formation des professionnels

Alors que le travail social de groupe et communautaire étaient enseignés depuis 1962, le nouveau référentiel professionnel et de formation de 2004 (5) a notablement renforcé l’enseignement et la pratique de l’ISIC. En effet, la formation à chaque méthode principale (ISAP et ISIC) occupe un nombre d’heures d’enseignement équivalent. De plus, l’ISIC fait l’objet d’une obligation de stage et de la présentation écrite d’une pratique de travail collectif dans le Dossier des Pratiques Professionnelles à fournir pour le Diplôme d’Etat. De ce fait, l’intervention sociale d’intérêt collectif a acquis une place à part entière dans la reconnaissance officielle de cette forme d’intervention constitutive de la profession. Il est à noter que le Ministère a ainsi suivi à la lettre les préconisations du rapport du CSTS de 1988 (6).

Ce nouveau référentiel représente une évolution réelle de la formation, car il obligera aussi les sites qualifiants offrant des stages à favoriser cette méthode de travail et à former les professionnels chargés de l’encadrement des stagiaires.

En attendant le développement de l’ISIC facilité par cette réforme, les professionnels en exercice ont besoin de formation continue dans ce domaine et de soutien à la mise en place de projets d’intervention sous forme de consultations ou de supervisions.

Les enjeux

Dans une société où le modèle dominant tend à favoriser l’individualisme et la compétition, l’intervention sociale d’intérêt collectif avance à contre-courant. En effet, elle se fonde sur des valeurs de solidarité, de coopération et de collaboration entre les personnes, elle croit en leurs capacités, leurs potentialités et leurs forces individuelles et collectives.

Les problèmes sociaux liés à l’exclusion et la précarité sont principalement dus à des situations contextuelles et sociétales (chômage, emploi précaire, relégation culturelle et sociale, discriminations), ils frappent plus durement les personnes les plus vulnérables. Ils les enferment souvent dans une responsabilisation de leur sort et une culpabilisation individuelle. L’intervention sociale d’aide à la personne, indispensable bien souvent pour accéder aux droits, serait efficacement complétée par l’intervention sociale d’intérêt collectif permettant aux personnes de retrouver confiance en soi, reconnaissance, utilité sociale et de développer leur pouvoir d’agir sur leur vie.

Pour cela il est nécessaire de développer l’ISIC dans tous les espaces territoriaux et institutionnels. Par conséquent, il est indispensable pour les travailleurs sociaux d’avoir des conditions de travail stimulant et soutenant la créativité, l’innovation et l’investissement des professionnels. Cela représenterait un véritable retour aux sources pour la profession des assistants de service social.

Janvier 2007

Pour le bureau de l’ANAS
Laurent Puech et Cristina de Robertis



(1) appel à télécharger en bas de cette page et sur le site internet Inter Réseau DSU dn cliquant sur ce lien

(2) Des extraits de ce texte ont été publiés dans les ASH du 29.12.06

(3) Comité de Liaison des Centres de Formation Permanente et Supérieure en Travail social, FORUM N° 43 , Mars 1988, Paris

(4) IGAS – Intervention sociale, un travail de proximité – La documentation française, Paris, 2006
« Faire du développement des modes d’intervention collective une priorité, que ce soit le travail communautaire comme le travail en groupe ». S’appuyant sur des exemples choisis, le rapport préconise de dépasser le tête-à-tête travailleur – usager et diversifier les formes de prise en charge en favorisant la complémentarité entre travail individuel et travail de groupe. Il faut développer le travail de groupe y compris avec les usagers les plus en difficultés. Regrettant l’écart qui existe entre les décideurs qui prônent le travail collectif et la rareté de la pratique notamment dans le service social départemental, le rapport propose de « faire du développement des capacités collectives un enjeu fort du travail social ».

(5) Décret n° 2004 – 533 du 11 juin 2004 et Arrêté du 29 juin 2004

(6) A savoir :
– Les formations initiales forment « à deux grandes logiques d’intervention auprès des citoyens : l’intervention sociale individualisée et l’intervention sociale d’intérêt collectif,
– La formation à l’ISIC ne relève pas d’une option proposée aux étudiants, elle fait partie intégrante du programme…
– Obligation d’effectuer des stages pratiques avec un objectif d’apprentissage des méthodes et actions requises par l’ISIC.
– Exiger un rapport permettant de vérifier la capacité de l’étudiant à maîtriser les divers niveaux d’observation, de réflexion et d’action propres à une intervention sociale d’intérêt collectif. »


Dimanche 11 Février 2007




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