Nouveaux visages de la précarité & inégalités grandissantes

"On l’entend, on le lit... Depuis la crise financière de 2008 jusqu’à la crise énergétique et l’inflation actuelles, en passant par la crise sanitaire et les inondations, des publics jusque-là épargnés basculent dans la précarité, voire la pauvreté. Parmi eux, de plus en plus de jeunes en rupture, d’étudiants, de mamans solos, de personnes âgées et même de travailleurs sont amenés à devoir solliciter des aides. Ce sont ceux qu’on appelle parfois les "nouveaux visages de la précarité".

Certains indicateurs, comme l’augmentation du nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration et plus généralement de l’aide sociale, ou du nombre de demandeurs d’aide alimentaire, sont à cet égard révélateurs. Et encore, ces chiffres ne disent pas tout. Le non-recours, qui participe lui-même à ces processus de précarisation, prend en effet davantage d’ampleur en raison de la numérisation croissante, de la complexification des lois et des procédures ou encore de la stigmatisation des personnes dites "assistées". Il est particulièrement présent parmi les personnes nouvellement précarisées, beaucoup ne connaissant pas leurs droits, ne sachant pas à quelle porte aller frapper ou se sentant honteuses de solliciter de l’aide...

Toutefois, loin de n’être que la résultante d’"accidents de la vie", ce phénomène interpellant s’inscrit plus largement dans une précarisation croissante de la population qui est d’abord le fruit de changements structurels, tant aux niveaux économique que politique et sociologique : fin du plein-emploi et déstructuration continue du marché du travail, crise durable du logement, politiques d’activation poussant de plus en plus de demandeurs d’emploi vers les CPAS, délitement des liens sociaux et familiaux, augmentation du coût de la vie, nouveaux standards de consommation...

Il faut en effet prendre garde à ce que l’attention tant politique que médiatique portée aux nouveaux "visages de la précarité" ainsi qu’aux crises qui les suscitent ne vienne à la fois occulter la pesanteur et la reproduction des inégalités préexistantes et légitimer les politiques actuelles de lutte contre la pauvreté qui tendent à privilégier l’urgent, le palliatif, le visible... au détriment de mesures structurelles auxquelles il est urgent de s’atteler afin de s’attaquer de façon durable aux inégalités."

Colette Leclercq & Romain Lecomte

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