Association nationale des assistants de service social

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RFSS N°279 : "Raconter la vie des personnes accompagnées : contraintes, pratiques, effets"





Le numéro peut bien sûr être commandé dans notre espace boutique !

Numéro coordonné par Corinne Le Bars

Les écrits professionnels prennent différentes formes au cœur des pratiques sociales. Toutefois, le travailleur social est régulièrement amené à faire le récit de vie ou l’histoire de vie de la personne, et doit pour cela respecter l’accord de l’usager, la nécessité de la discrétion et l’exigence de la délicatesse. L’analyse de ces récits témoigne d’effets positifs mais aussi de contraintes, qui soumettent parfois le professionnel à des injonctions paradoxales. Ainsi, comment peut-on raconter la vie d’une personne, son ressenti, son vécu, avec ses mots, en tenant compte de sa culture, de son milieu, de son âge et de ses problèmes sociaux, professionnels, médicaux, mais également des objectifs de l’administration ?

La première partie met en exergue l’intérêt et les difficultés de raconter la vie des personnes, en s’appuyant sur l’exemple des rapports en protection de l’enfance, sur la manière de transmettre la parole des jeunes, des parents, sur la situation des mineurs non accompagnés en lien avec leurs ruptures et leur vécu, ou encore sur l’univers de la psychiatrie où les récits de vie réalisés sur les patients sont fortement liés au diagnostic.

La deuxième partie propose des méthodes favorables au récit de soi, comme l’intérêt de la philosophie pour éclairer le moi et le soi, en particulier lorsqu’elle est pratiquée en groupe, mais aussi la coconstruction du récit dans le développement du pouvoir d’agir et la mise en confiance qu’il suscite, sans oublier la théorie de l’histoire de vie.

La troisième partie présente des expériences spécifique : l’action bienfaisante du biographe hospitalier remettant gratuitement aux patients en fin de vie le livre de leur récit, le travail de mémoire positif des personnes âgées, la pédagogie utilisant les récits de vie dans les formations au travail social, ainsi que le nouveau métier d’écrivain public-biographe en libéral, autant de démarches qui constituent des actions innovantes et constructives.
 
 
Editeur : Association Nationale des Assistants de Service Social
ISSN : 0297-0376
ISBN : 978-2-491063-06-1

Éditorial

L’année 2020 a commencé par la publication d’un numéro sur la déontologie et l’éthique en service social [1]. Elle s’achève par celle d’un numéro destiné à esquisser ce que raconter la vie des personnes accompagnées veut dire, matière éthique par essence.

Dès 1950 et l’adoption du code de déontologie par l’ANAS, les enjeux du récit étaient abordés en filigrane. Ainsi, l’assistante sociale se devait d’utiliser « en vue de l’intérêt général les constatations » qu’elle était amenée à faire, ne pouvait « prendre l’initiative d’une action en faveur d’un usager sans avoir obtenu le consentement de celui-ci », et, bien sûr, devait « faire preuve de discrétion et de délicatesse pour tout ce qui [concernait] l’intimité des vies privées et des foyers [2] ».

Ces trois grands principes guident encore l’action du travailleur social quand il est amené à faire le récit de la vie des personnes qui lui ont confié leur histoire : il ne demande pas plus d’informations sur la vie des bénéficiaires que celles qui vont servir l’aide à leur apporter ainsi qu’à leur entourage ; le récit qu’il produit doit avoir été en quelque sorte validé par l’usager, qui reste l’auteur de sa propre vie ; enfin, le contenu qu’il y fait figurer par nécessité doit faire l’objet d’attentions toutes particulières pour que l’inti- mité de la vie personnelle, familiale, émotionnelle, sensible soit préservée au maximum.

Le droit s’en est mêlé, consacrant la participation des personnes accompagnées dans la production des récits que les professionnels écrivent et transmettent à propos de leur situation sociale, et plus largement accordant une plus grande place à leur parole. Cependant, entre droits de l’usager, protection de son récit de vie, construction de son roman familial et transmission d’informations indispensables pour l’aide à lui apporter, le travailleur social est souvent soumis à des injonctions paradoxales.

La première partie de ce numéro présente le vécu de quatre intervenants sociaux qui doivent composer avec les nombreuses prescriptions intervenues ces dernières années dans l’encadrement des écrits professionnels, mais aussi avec les contextes qui impactent à la fois l’écoute du récit premier de la personne accompagnée et sa « refabrication » en récit secondaire. Protection de l’enfance, psychiatrie, mineurs isolés sont autant d’exemples qui plaident pour accueillir une parole engagée, vivante et authentique.

La deuxième partie rend compte de trois méthodes parmi celles qui visent à faire travailler ensemble personnes accompagnées et intervenants sociaux, au sens large du terme, à l’élaboration commune de récits de vie dont le contenu est la résultante d’une expertise qui ne peut être que conjointe : d’un côté, une personne en proie à des souffrances sociales ou psychiques n’est en effet pas toujours la mieux placée pour raconter sa vie et lui donner du sens ; de l’autre, un professionnel n’a aucune légitimité à lui seul à dire la vie de l’autre. Même si elles ne se revendiquent pas toutes de la philosophie, l’ensemble de ces méthodes pratique les techniques de l’accouchement socratique.

La troisième et dernière partie présente plusieurs pratiques du récit de vie dans le champ de l’intervention sociale, dans le cadre de la recherche, de la formation, voire en libéral, passant en revue dans le même temps différents publics (personnes en fin de vie, personnes âgées, apprenants…), mais aussi divers statuts pour l’intervenant et des objectifs variés : tous révèlent néanmoins combien les bénéfices en sont proches.

Enfin, j’avais insisté dans l’appel à auteurs sur l’intérêt qu’il y aurait, pour un tel sujet, à collecter des témoignages d’usagers. Deux d’entre eux sont cosignataires de deux articles dans ce numéro : c’est encore trop peu, mais je m’en réjouis.

[1] « Déontologie et éthique en service social : donner du sens à l’action », La Revue française de service social, ANAS, n° 276, 2020.
[2] Ibid., p. 15-16.

Corinne Le Bars

Sommaire

DOSSIER : RACONTER LA VIE DES PERSONNES ACCOMPAGNÉES : CONTRAINTES, PRATIQUES, EFFETS

- Éditorial 
Corinne Le Bars
 
  • PREMIÈRE PARTIE : ÉCRIRE SUR, ÉCRIRE POUR, ÉCRIRE À… DROITS, NORMES, ATTENDUS
 
- Raconter la vie des personnes accompagnées est-il possible ?
Didier Bertrand
 
- Métamorphose
Laura Izzo
 
- Faux et vrais récits de vie chez les mineurs étrangers non accompagnés
Surmonter les biais administratifs
Anne-Laure Le Cardinal
 
- Usages et mésusages de la parole des patients en psychiatrie
De la reconnaissance d’une coexpertise
Anaëlle Couillet, Sophie Lorinquer
 
  • DEUXIÈME PARTIE : RACONTER AVEC : QUAND LES PERSONNES ACCOMPAGNÉES SONT COEXPERTES
 
- L’expérience des tours de rue philosophiques en prévention spécialisée
Quand raconter sa vie rend possible une autre histoire de soi
Grégory Darbadie
 
- Le développement du pouvoir d’agir Coécrire, quelle aventure !
Brigitte Portal, Arnaud Portron
 
- La méthodologie des histoires de vie en travail social ou la coconstruction d'une historicité
Corinne Le Bars
 
  • TROISIÈME PARTIE : ÉCRIRE POUR LAISSER UNE TRACE DE SOI : DIVERSITÉ DES PUBLICS ET DES STATUTS
 
- Être biographe hospitalier, ou raconter la vie en fin de vie
Christine Desmonts, Julie Gaab, Clémence Joly, Magali Verdet
 
- Du récit de vie en recherche, Motivations et bienfaits pour les personnes âgées
Renaud Simon
 
- Former par et au récit de vie
Nathalie Marie
 
- Pratiquer le récit de vie en libéral : La posture singulière de l’écrivain public-biographe
Dominique Achille
 
  • COMMUNICATION
 
- Le respect de la dignité en travail social : Entre cadre juridique, adhésion et pratiques professionnelles
Joyce Honeyman-Haentjens
 
  • VIE DE L’ANAS
 
- Communiqués de l’ANAS
 
Communiqué du 12 juin 2020 : Regards de la commission protection de l’enfance (CPE) sur la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’affaire Marina
 
Communiqué du 1er juillet 2020 : Une assemblée générale couronnée de succès malgré l’épidémie de Covid-19
 
Compte-rendu rédigé par Marie-Geneviève Mounier : Retour sur l’assemblée générale de l’International Federation of Social Workers (IFSW) à laquelle participait l’ANAS
 
- Nous avons reçu
 
- Nous avons lu
 
- Derniers numéros parus

Abstract

Telling the life story of users: constraints, practices, and effects

Professional writing takes different forms at the heart of social practices: however, the social worker is regularly called upon to write the life story or the history of life of the person and must therefore respect the user’s agreement, the need of discretion and the requirement of delicacy. Analysis of these stories shows positive effects but also constraints, and submitting sometimes the professional to paradoxical injunctions. For example: how can we tell the life of a person, his feelings, his experience, with his words, taking into account his culture, his environment, his age and his social, professional, and medical problems but also responding to administrative objectives?

The first part highlights the interest and the difficulties of telling the story of the life of people, based on the example of child protection reports, the way of transmitting the youth’s words, parents, the example of unaccompanied minors in connection with their ruptures and their experiences, or even in the domain of psychiatry where the life stories told by the patients are closely linked to the diagnosis.

The second part proposes favorable methods to self-narration, such as the interest of philosophy by emphasizing the ego and the self, especially when practiced in a group. But also the co-construction of the story in the development of empowerment and the confidence that it generates. Without forgetting the theory of the history of life.
 
The third part presents specific experiences: the beneficial action of the hospital biographer, giving patients at the end of their lives the book of their stories for free, but also the positive memory work of the elderly. Without neglecting the pedagogy using life stories in social work training and the new profession of liberal public writer biographer, which constitute innovative and constructive actions.


Egalement disponible en accès libre : "Faux et vrais récits de vie chez les mineurs étrangers non accompagnés, Surmonter les biais administratifs" par Anne-Laure Le Cardinal


Dimanche 3 Janvier 2021




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