Association nationale des assistants de service social

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suicide : modes de prévention


Aux États-Unis, 17 Américains se suicident par jour. Le Québec avec ses 1500 suicides par an, dont 1200 chez les hommes, détient le record de toutes les provinces du Canada. Une personne sur six y est concernée par le suicide, soit qu'elle y a pensé, soit qu'elle vit auprès d'une personne suicidaire. En Suisse, chaque jour, un jeune de moins de 20 ans met fin à ses jours. En France, il y a 165 000 tentatives de suicide par an et 12 000 morts. Les Belges ont également un taux de suicide élevé, puisqu'on y recense 2000 morts par an. Sur 10 tentatives, 4 suicidants sont des récidivistes. Sur 100 tentatives ratées, 10 % seront recommencées dans les deux ans qui suivent. Il y a donc moyen d'agir.

Interview de viviane Janouin Bénanti*



suicide : modes de prévention
Les travailleurs sociaux peuvent-ils prévenir et déceler les risques de suicide ?

Oui, absolument. On sait que 80% des suicidants ou suicidés donnent ou ont donné des signes. Cela ne signifie pas qu’ils vont dire clairement qu’ils vont passer à l’acte, mais on peut détecter les situations à risque. Ces signes sont bien sûr différents selon les âges de la vie. 50 % des suicidés aujourd’hui ont plus de 55 ans. Les personnes âgées forment une tranche de population de plus en plus touchée.

Peut-on parler facilement du suicide face à une personne en détresse ?

70% des personnes qui tentent de se tuer ne sont pas des malades mentaux, néanmoins il est sûr que la crise suicidaire est souvent une période de dépression. Nous avons tous un rôle de relais. Nous avons un rôle à un moment donné mais on ne peut pas aller au delà. Une seule personne ne peut pas empêcher quelqu’un de se suicider. Par contre à plusieurs, chaque intervenant dans son domaine ( travailleur social, médecin, famille, amis… ) peut contribuer à éviter l’acte suicidaire.

Vous préconisez le travail en réseau…

Absolument. C’est d’ailleurs la méthode canadienne. Sur cette question, il n’y a que comme cela que l’on peut réussir. Les Canadiens ont commencé par collecter des données auprès des enseignants, des pompiers, des médecins, travailleurs sociaux, auprès du clergé également, bref auprès de tous ceux qui ont à un moment donné, une position qui permet de détecter les situations à risques ou d’être appeler après une tentative. Cela c’est pour la connaissance. Il y a ensuite 3 axes de travail. Ceux qui ont fait une tentative sont conseillés et orientés vers une association d’écoute qui organise des réunions un peu à l’image de celle des associations d’anciens buveurs. Il y a aussi le travail en réseau auprès des endeuillés, c’est à dire les membres des familles qui ont perdu quelqu’un qui a fait une tentative (qu’elle ait ou non échoué ). Là aussi ces personnes sont réunies et suivies. Parallèlement, il y a la formation des professionnels. Ceux qu’on appelle des « sentinelles ». Chez les pompiers par exemple, il y a des équipes d’urgence spécialisées sur les suicides. Il y a aussi des équipes d’urgence dans les hôpitaux alors que nous, nous n’avons rien prévu. C’est toujours un problème quand il y a eu une tentative de suicide dans un service de réanimation, ça embête tout le monde… Les Canadiens ont tout de suite une équipe d’intervention. Par exemple, ils travaillent en réseau s’il y a un suicide d’un adolescent. Une équipe (association ) arrive sur l’école et va engager des discussions entre enseignants, entre élèves. Il s’agit de cerner le problème et éviter qu’il y ait des suicides en série d’adolescents, ce qui est un phénomène qui n’est pas rare.

Et les travailleurs sociaux ?

Tout comme les psychologues et les médecins, ils ont des cours spécifiques en 1ère année sur la prévention du suicide. Ce sont des cours sanctionnés par un examen alors qu’en France, on n’a strictement rien sur le sujet. On commence à peine à en parler.

C’est encore un sujet tabou…

Oui en France. Au Canada, chaque année pendant une semaine, tout le pays « brasse » ces idées sur la question du suicide. On donne la parole aux endeuillés, on fait parler quelqu’un qui a tenté de se suicider pour qu’il n’ait pas honte de se faire soigner ou de se faire suivre. Précisément la personne qui a attenté à sa vie ne veut pas en parler, elle a honte et peur de passer pour un fou. Au niveau national on en parle et on essaye de dépasser ce tabou et à ce moment, tout le milieu social se sent intervenant dans le domaine.

La menace de suicide n’est-elle pas parfois une attente voire un chantage fait à autrui ?

Je pense que la parole est très importante. La parole pour parler du sujet, pour défaire le tabou et puis celle du sujet pour traiter de sa souffrance et pour le proche qui lui aussi est en souffrance. Il sent qu’il y un risque autour de lui, il ne sait pas comment faire et il culpabilise aussi. Il y a des personnes qui renouvellent leur acte. Je pense qu’il faut d’abord toujours le prendre au sérieux car 40% des personnes qui renouvellent une tentative parviennent à mettre fin à leurs jours. Il y en a, effectivement mais ce n’est pas la majorité, qui donnent l’impression de faire du chantage au suicide. Dans ces cas là, ils le disent clairement.

Beaucoup d’hommes se suicident comparativement aux femmes…

C’est exact, c’est le même phénomène en France comme au Canada. Ca s’explique de plusieurs manières. Je pense que les hommes sont confrontés à des situations très stressantes telles en France la perte d’emploi, le chômage. C’est la place et le rôle qu’à l’homme dans notre tradition au sein de la famille. Il est très souvent reconnu que par son travail et quand il le perd, il ne se sent plus utile. La aussi il faudrait pouvoir parler des suicides après la perte d’un travail…

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*Viviane Janouin-Benanti
Depuis les années 1990, Viviane Janouin-Benanti se consacre à la vie associative. Chercheuse française pluridisciplinaire — droit public, science politique et santé publique —, elle revient d'un séjour d'étude de six mois au Canada et aux USA qui lui a permis de comparer cas et modes de prévention en matière de suicide.

Elle est l'auteure de Sida, Famille et Société, questions fondamentales d'éthique, paru aux éditions de L'Harmattan, à Paris, en 1996.

Elle est particulièrement intéressée par le handicap mental, surtout par l'aide qui peut être apportée aux malades mentaux, dont les schizophrènes. Sur ces sujets (sida et santé mentale) et sur les modes de prévention du suicide, l'auteure est souvent appelée à donner des conférences.

Samedi 31 Août 2002




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