Association nationale des assistants de service social

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Protection de l'enfance : une nouvelle loi à dimension sécuritaire sur le "suivi" des familles " à risques"


Les parlementaires ont examiné ces derniers jours une proposition de loi déposée par Mme Martinez députée UMP qui vise à instituer un nouveau dispositif de suivi des familles qui déménagent et changent de Département et qui sont susceptibles d’être auteur de maltraitances à l’égard de leurs enfants



Protection de l'enfance : une nouvelle loi à dimension sécuritaire sur le "suivi" des familles " à risques"
Cet article de loi s’appuyait sur des informations inexactes, faisant plus appel à l’émotion qu’à la raison. Il laissait supposer qu’aucun dispositif ne fonctionne actuellement alors qu’en cas de danger le procureur de la république peut être saisi pour une intervention rapide en vue d’obtenir une mesure de protection. Par ailleurs rappelons qu'il existe un dispositif d’alerte et de diffusion national entre les services sociaux dès lors qu’une famille déménage sans laisser d’adresse et qu’un risque est avéré.

Vous trouverez ci-joint la proposition de loi telle qu’elle a été porté à notre connaissance par plusieurs parlementaires. , suivie d’un avis technique ainsi qu’une analyse de de l’exposé des motifs. Enfin vous trouverez tout en bas de page, l'article définitif tel qu'il a été voté par l'assemblée.

PROPOSITION DE LOI
Article unique
L’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une famille déménage dans un autre département, le président du conseil général du département de départ assure sans délai la transmission à son homologue du département d’accueil de l’ensemble des informations concernant les enfants faisant l’objet d’une mesure éducative ou d’une enquête sociale ou concernés par une information préoccupante en cours d’évaluation ou de traitement.
« Si le président du conseil général du département de départ ne dispose pas de la nouvelle adresse de la famille, il saisit dans les meilleurs délais la caisse primaire d’assurance maladie et la caisse d’allocations familiales compétentes, qui la lui communiquent dans un délai de dix jours et dans le respect des dispositions relatives au secret professionnel, et en informe sans délai son homologue du département d’accueil. À cette fin, la caisse primaire d’assurance maladie peut accéder aux informations contenues dans le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l’assurance maladie visé à l’article L. 161-32 du code de la sécurité sociale. »

Avis de l'ANAS :

Cette disposition correspond à une vision assez ancienne voire archaïque du travail social de protection et de prévention. En effet en matière de prévention et de protection de l’enfance, les familles ne sont pas suivies mais accompagnées dans le cadre d’un plan d’aide négocié et accepté par la famille – cela vaut pour des dizaines de milliers de familles en France.

Lorsque la famille ne collabore pas, 2 situations :
1- le danger n’est pas avéré : aucun élément ne permet de justifier de la nécessité d’intervenir
2- le danger est avéré, elle relève d’une mesure de protection judiciaire. Ce sont donc les familles relevant de la protection de l’enfance et non de la prévention qui pourraient être concernées par ce texte qui n’est vraiment pas adapté à la réalité de la situation.

Le Département se trouve (une nouvelle fois) en charge d’une responsabilité nouvelle qui le mettra en première ligne en cas d’affaire « médiatique ». Cela ne doit pas défausser les services de l’Etat de leurs responsabilités et en premier lieu les services judiciaires qui sont l’un des piliers de l’Etat de Droit. Or c’est bien le Droit qui organise la protection de l’enfance. L’absence de l’autorité judiciaire dans un dispositif de protection qui relève de l’urgence (sans délai) et d’un risque aussi fort est assez surprenante pour ne pas dire plus.

Le législateur aujourd’hui n’assume pas le fait que le risque fait partie de la réalité de la vie et que le danger ne peut pas être évalué qu’à partir du risque. Car si c’est le ce cas, le danger devient permanent. Il s’appuie sur le registre de l’émotion et de la médiatisation pour produire des textes qui ne répondent pas aux véritables besoins de protection des enfants en danger à savoir

- des places disponibles dans les services d’accueil et de protection de l’enfance
- Une administration judiciaire disposant de moyen de prendre des décisions rapides et protectrices
- Des travailleurs médico-sociaux en nombre suffisant et bénéficiant de formation continue
- Une véritable politique de prévention qui permet d’agir à la source des dysfonctionnements familiaux

Mais tout cela à un coût. Il est forcement plus simple de produire un texte qui laisserait supposer que les Départements ne seraient pas en capacité de prendre leurs responsabilités. La protection de l’enfance est un sujet bien trop important pour qu’il soit réduit à la production de ce type d’article isolé mais médiatiquement rentable. Si le législateur de la loi de 2007 n’a pas prévu un tel texte alors que les travaux ont mobilisé des centaines de professionnels c’est qu’il n’était pas utile.


analyse de l'exposé des motifs : nos commentaires sont en caractères gras.


"Mesdames, Messieurs,

La protection de l’enfance est de la compétence du Président du Conseil Général et la loi du 5 mars 2007 a renforcé son rôle central dans le recueil des informations préoccupantes, la prise en charge des enfants en danger et les relations avec le Parquet. Cependant, les services sociaux constatent régulièrement que des familles faisant l’objet de mesures éducatives ou d’enquêtes sociales consécutives à un signalement d’enfant en danger, déménagent sans laisser d’adresse.
C’est inexact : ce type de déménagement est très à la marge au regard du nombre de situations prises en charge par les Conseil Généraux. Cela ne concerne chaque année que quelques familles voire aucune dans certains départements.

Les dossiers sont alors classés par le Conseil Général du département qu’ils viennent de quitter sans qu’il soit possible de suivre ces familles et d’assurer la sécurité des enfants concernés.
C’est inexact le service social n’a pas comme seule solution le classement du dossier. Il peut soit, saisir le procureur de la République qui en diligentant une enquête a la possibilité de disposer de la nouvelle adresse avant même que les services CAF n’en soit avisés. Il est aussi possible d’activer la procédure de signalement national enfance en danger qui permet de diffuser l’identité de la famille recherchée sur l’ensemble des services sociaux des départements. Mais ce dispositif est perfectible et utilisé uniquement dans les cas de grande inquiétude..

Ainsi en l’absence de transmission des dossiers et des informations préoccupantes...
aujourd’hui dans de nombreux Départements, une information préoccupante n’est pas une information vérifiée. Dans la majorité des cas celles-ci se traduisent par une évaluation ou enquête sociale. Ce n’est qu’après ce rapport que l’on peut raisonnablement distinguer les informations relevant de la protection l’enfance en danger, de celles relevant de la prévention. Sans oublier ces milliers de situations où les informations sont sans fondement (problèmes de voisinage, conflits familiaux pour obtenir la garde des enfants etc.) De plus, l’information préoccupante n’a pas fait encore l’objet d’une définition légale et confirmée.

...les enfants restent en situation de danger et dépourvus de suivi tant qu’ils ne font pas l’objet d’un nouveau signalement ou repérage ce qui peut intervenir tardivement ou jamais… Trop souvent jusqu’à ce qu’un drame vienne rappeler que la famille avait déménagé pour échapper à un suivi, à un signalement ou à des soupçons de maltraitance…
Il n’y a malheureusement pas besoin d’un déménagement pour qu’un drame puisse survenir. Pire même certains enfants non maltraités et non suivis par les services sociaux peuvent être victimes de drames familiaux de type suicides collectifs et surtout de violences faisant suite à une séparation non acceptée par le conjoint qui n’a pas la garde de ses enfants. Par ailleurs, affirmer que les familles ont déménagé pour échapper à un suivi est autant systématiquement suspicieux, qu’aléatoire. En effet, le déménagement des familles est souvent occasionné par d’autres causes (travail, logement, ..)
Rappelons que Ce n’est pas le suivi qui fait la protection. (Les travailleurs sociaux ne vivent pas 24 heures sur 24 avec les familles). Faudrait-il au nom du risque zéro placer tous les enfants relevant d’informations préoccupantes ? Si le danger est avéré et imminent c’est la séparation de l’enfant du ou des parents maltraitants qui peut permettre la protection.


En effet, cette faille de notre système de protection de l’enfance est bien connue de certaines familles maltraitantes qui trouvent dans l’itinérance un moyen d’échapper aux services sociaux départementaux dès lors qu’elles se savent signalées ou qu’elles refusent les mesures de suivi.
Ces quelques familles ne peuvent être que très connues et c’est le système judiciaire qui doit alors intervenir.

La transmission des dossiers d’enfants en danger – ou en risque de l’être –
Cette disposition permet de faire tout et son contraire : à quel moment un enfant risque-t-il d’être en danger ? Nous sommes là dans la subjectivité qui provoque le phénomène de « parapluie » : pour ne pas prendre de risque, l’administration peut être conduite à signaler systématiquement toutes les familles relevant d’une information potentiellement préoccupante (donc non avérée pour un grand nombre d’entre elles) dès lors qu’elles changent de département. N’est on pas dans un pouvoir discrétionnaire du Conseil Général qui va au-delà les textes fondamentaux de liberté de circulation ? Faudrait-il informer les familles relevant d’une information préoccupante qu’elles ont l’obligation de signaler tout changement d’adresse ?

D’un département à l’autre est donc essentielle afin d’assurer la protection des enfants, aussi le Président du Conseil Général du département de départ doit avoir l’obligation et les moyens
y aurait il une dotation financière de l’Etat pour prendre en compte cette nouvelle obligation ?
de transmettre les dossiers et toutes les informations relatives aux enfants à son homologue du département d’accueil de la famille.

Or, les familles perçoivent des prestations sociales , allocations familiales notamment,(pas toutes notamment les couples avec un enfant) sont affiliées à la sécurité sociale et elles ne manquent généralement pas d’en faire la demande dans leur nouveau département de résidence.Les organismes servant ces diverses prestations assurent la transmission des dossiers vers le nouvel organisme prestataire et ont donc connaissance de la nouvelle adresse de la famille.

C’est pourquoi dès que ses services constatent le déménagement d’une famille suivie ou signalée, le Président du Conseil Général concerné doit pouvoir obtenir des organismes qui servent des prestations sociales la nouvelle adresse de la famille, afin d’en informer sans délai le Président du Conseil Général du département d’accueil afin que la continuité de la protection de l’enfance soit assurée.
Tel est le sens de cette proposition de loi. Aussi je propose de compléter l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles qui a trait aux compétences du Président du Conseil Général en matière de recueil d’information ».

enfin suite à l'intervention de parlementaires et du gouvernement voici le texte de loi tel qu'il a été voté et qui devra ensuite passer devant le Sénat :


ADOPTÉE PAR L¹ASSEMBLÉE NATIONALE
EN PREMIÈRE LECTURE,

L¹Assemblée nationale a adopté la proposition de loi dont la teneur suit :

Article unique

Le code de l¹action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L¹article L. 221-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 221-3. ­ Lorsqu¹une famille bénéficiaire d¹une prestation d¹aide sociale à l¹enfance, hors aide financière, ou d¹une mesure judiciaire de protection de l¹enfance change de département à l¹occasion d¹un changement de domicile, le président du conseil général du département d¹origine en informe le président du conseil général du département d¹accueil et lui transmet, pour l¹accomplissement de ses missions, les informations relatives au mineur et à la famille concernés.

« Il en va de même lorsque la famille est concernée par une information préoccupante en cours de traitement ou d¹évaluation.

« Les modalités de cette transmission d¹informations sont définies par décret en Conseil d¹État, après avis de la Commission nationale de l¹informatique et des libertés. » ;

2° Après l¹article L. 226-3-1, il est inséré un article L. 226-3-2 ainsi
rédigé :

« Art. L. 226-3-2. ­ Dans le cas où la procédure de transmission d¹informations prévue à l¹article L. 221-3 est rendue impossible par l¹absence d¹information sur la nouvelle adresse de la famille et si
l¹interruption de l¹évaluation ou du traitement de l¹information préoccupante, de la prestation d¹aide sociale à l¹enfance ou de la mesure judiciaire de protection de l¹enfance met en danger le mineur concerné, le président du conseil général du département d¹origine avise sans délai l¹autorité judiciaire de la situation en application de l¹article L. 226-4.

« Le président du conseil général du département d¹origine peut également, pour ses missions de protection de l¹enfance, saisir la caisse primaire d¹assurance maladie et la caisse d¹allocations familiales compétentes, qui lui communiquent la nouvelle adresse de la famille dans un délai de dix
jours à compter de la réception de la demande et dans le respect des dispositions relatives au secret professionnel. À cette fin, la caisse primaire d¹assurance maladie peut accéder aux informations contenues dans le répertoire national inter-régimes des bénéficiaires de l¹assurance maladie
visé à l¹article L. 161-32 du code de la sécurité sociale.

« Le président du conseil général du département d¹origine communique sans délai au président du conseil général du département d¹accueil l¹adresse de la famille et lui transmet les informations relatives à cette famille et au mineur concerné en application de l¹article L. 221-3 du présent code. »

Délibéré en séance publique, à Paris, le 13 janvier 2011.

Le Président,
Signé : Bernard ACCOYER

Mercredi 19 Janvier 2011




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