Association nationale des assistants de service social

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Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans


L'ANAS invite les travailleurs sociaux à signer l'appel en réponse à l’expertise INSERM sur le trouble des conduites chez l’enfant.



Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans
Le texte de cet appel :

Une récente expertise de l’INSERM préconise le dépistage du « trouble des conduites » chez l’enfant dès le plus jeune âge. Les professionnels sont invités à repérer des facteurs de risque prénataux et périnataux, génétiques, environnementaux et liés au tempérament et à la personnalité. Pour exemple sont évoqués à propos de jeunes enfants « des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » et la notion « d’héritabilité (génétique] du trouble des conduites ». Le rapport insiste sur le dépistage à 36 mois des signes suivants : « indocilité, hétéroagressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas », etc. Faudra-t-il aller dénicher à la crèche les voleurs de cubes ou les babilleurs mythomanes ?

Devant ces symptômes, les enfants dépistés seraient soumis à une batterie de tests élaborés sur la base des théories de neuropsychologie comportementaliste qui permettent de repérer toute déviance à une norme établie selon les critères de la littérature scientifique anglo-saxonne.

Avec une telle approche déterministe et suivant un implacable principe de linéarité, le
moindre geste, les premières bêtises d’enfant risquent d’être interprétés comme l’expression
d’une personnalité pathologique qu’il conviendrait de neutraliser au plus vite par une série de
mesures associant rééducation et psychothérapie. A partir de six ans, l’administration de
médicaments, psychostimulants et thymorégulateurs devrait permettre de venir à bout des plus récalcitrants. L’application de ces recommandations n’engendrera-t-elle pas un formatage des comportements des enfants, n’induira-t-elle pas une forme de toxicomanie infantile, sans
parler de l’encombrement des structures de soin chargées de traiter toutes les sociopathies ?
L’expertise de l’INSERM, en médicalisant à l’extrême des phénomènes d’ordre éducatif,
psychologique et social, entretient la confusion entre malaise social et souffrance psychique,
voire maladie héréditaire.

En stigmatisant comme pathologique toute manifestation vive d’opposition inhérente au
développement psychique de l’enfant, en isolant les symptômes de leur signification dans le
parcours de chacun, en les considérant comme facteurs prédictifs de délinquance, l’abord du
développement singulier de l’être humain est nié et la pensée soignante robotisée.
Au contraire, plutôt que de tenter le dressage ou le rabotage des comportements, il convient de reconnaître la souffrance psychique de certains enfants à travers leur subjectivité naissante et de leur permettre de bénéficier d’une palette thérapeutique la plus variée.

Pour autant, tous les enfants n’en relèvent pas et les réponses aux problèmes de comportement se situent bien souvent dans le domaine éducatif, pédagogique ou social.

Cette expertise INSERM intervient au moment où plusieurs rapports sont rendus publics au
sujet de la prévention de la délinquance. On y lit notamment des propositions visant à dépister
dès les trois premières années de leur vie les enfants dont l’« instabilité émotionnelle
(impulsivité, intolérance aux frustrations, non maîtrise de notre langue) va engendrer cette
violence et venir alimenter les faits de délinquance ». On assiste dès lors, sous couvert de «
caution scientifique », à la tentative d’instrumentalisation des pratiques de soins dans le
champ pédopsychiatrique à des fins de sécurité et d’ordre public. Le risque de dérive est
patent : la détection systématique d’enfants « agités » dans les crèches, les écoles maternelles, au prétexte d’endiguer leur délinquance future, pourrait transformer ces établissements de lieux d’accueil ou d’éducation en lieux de traque aux yeux des parents, mettant en péril leur vocation sociale et le concept-même de prévention.

Professionnels, parents, citoyens, dans le champ de la santé, de l’enfance, de l’éducation,
etc. :

- Nous nous élevons contre les risques de dérives des pratiques de soins, notamment
psychiques, vers des fins normatives et de contrôle social.

- Nous refusons la médicalisation ou la psychiatrisation de toute manifestation de mal-être
social.

- Nous nous engageons à préserver dans nos pratiques professionnelles et sociales la pluralité
des approches dans les domaines médical, psychologique, social, éducatif… vis-à-vis des
difficultés des enfants en prenant en compte la singularité de chacun au sein de son
environnement.

- Nous en appelons à un débat démocratique sur la prévention, la protection et les soins
prodigués aux enfants, dans un esprit de clarté quant aux fonctions des divers acteurs du
champ social (santé, éducation, justice…) et quant aux interrelations entre ces acteurs.

Pour signer cet appel vous pouvez cliquer sur ce lien

Jeudi 9 Février 2006




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