Association nationale des assistants de service social

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L'ANAS auditionnée par l'ONED sur le périmètre de l'observation en protection de l'enfance


Dans le cadre de la démarche de réflexion et d'expertise en vue d'un consensus sur le périmètre de l'observation en protection de l'enfance, organisée par l’Observatoire National de l’Enfance en Danger (ONED), la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) et l’Assemblée des Départements de France (ADF), l'ANAS a été auditionnée et représentée par Laurent PUECH, administrateur de l'association, le 13 mai 2013 au CEDIAS à Paris.

Retrouvez ci-dessous l'intégralité de son intervention.



L'ANAS auditionnée par l'ONED sur le périmètre de l'observation en protection de l'enfance

Texte de l’audition (1) de l’Association Nationale des Assistants de service social (A.N.A.S.), représentée par Laurent Puech,
devant le comité d’experts (2) présidé par Monsieur Michel Legros.
13 mai 2013, CEDIAS, Paris

 
 
Je vais débuter par la compréhension et la discussion de la commande et de consignes qui vous sont faîtes.
 
La commande : Faire entrer de nouvelles situations dans le périmètre de l’observation mais dans la douceur et l’harmonie…
 
La consigne : ne toucher à rien d’autre que la question du périmètre : pas la définition de l’information préoccupante, ni les pratiques. Hors, c’est difficile de séparer ce qui forme un ensemble : le périmètre de l’observation dépend aujourd’hui bel et bien de la conception restreinte ou large de l’IP qu’ont les départements. Et la pratique professionnelle est impactée par les conceptions de l’IP. Se présenter à un domicile quand il y a eu une IP creuse, c’est faire prévaloir la logique de contrôle sur celle des droits à la vie privée des personnes. Ce n’est pas neutre et la nature de la relation qui s’instaure entre les professionnels et la population n’en sort pas indemne.
 
 
La méthode : Nous apprécions la méthode employée, qui propose d’ouvrir son écoute à des professionnels collectivement organisés.
 
Avant de dire quelle est notre position, je vais développer deux parties :
-       Ce qui nous invite à nous opposer à un élargissement du périmètre actuel.
-       Ce qui nous inciterait à accepter cet élargissement.
 
 
Ce qui motiverait une opposition :
 
-       Nous avons critiqué le décret de 2011, malgré les améliorations qu’il comportait par rapport à sa version précédente (3).
-       Ces critiques portaient notamment sur la quantité de renseignements demandés, et sur certains items qui nous semblent toujours excessifs et/ou non-pertinents :
-       Pour exemple, la question de la conduite définie comme une « addiction » laissée à l’appréciation du professionnel, alors qu’un travailleur social n’a pas la compétence pour un tel diagnostic. (fiche V2.A)
-       D’autres questions sont tout aussi glissantes et dangereuses : la subtilité entre « exposition du mineur à un conflit de couple » et « exposition du mineur à un climat de violence au sein de la famille » (avec précisions demandées sur les auteurs de cette violence et présence de passages à l’acte physique) nous apparaît à même de donner des éléments insuffisamment fiables : selon la définition que l’on a du conflit conjugal et de la violence au sein d’un couple par exemple, on classera dans l’une ou l’autre une même situation. Des approches classique-féministe, fondée sur le respect de la définition donnée dans le rapport Henrion de 2001 ou encore la caractérisation donnée par la loi de juillet 2010 constituent autant de repères fort différents.
-       Ce qui nous amène à nos réserves concernant l’encodage et l’encodeur : trop de marges d’interprétations subsistent, à se demander si les critères de qualité d’Atkinson pour les indicateurs sociaux sont satisfaits par la version actuelle… (Voir à ce sujet de rapport annuel 2011 de l’ONED (4), page 54).
-       Enfin, on ne peut attendre de l’organisation de parvenir à rendre lisible des items flous par nature…
 
 
Au delà de ces aspects, le système actuel montre de grandes disparités à tous les niveaux, comme noté par l’ONED. Il est souligné des divergences d’approches, d’organisation, de définitions, de pratiques… rendant impossible une comparaison inter-départementale de qualité. 
 
Pourquoi alors vouloir faire entrer de nouvelles catégories de publics dans un système qui a de tels manques ?  Ne serait-il pas préférable de travailler à améliorer l’existant, à réduire les biais qui parasitent l’observation, pour en élargir peut-être ensuite le périmètre ? En clair, ne vaudrait-il pas mieux concentrer l’énergie déployée à améliorer la qualité de l’observation plutôt que la diluer dans de nouvelles tâches et un nombre de situations à encoder plus important ?
 
Plus d’encodage, c’est potentiellement une tension plus importante pour les professionnels : plus de référentiels à remplir, plus de demandes de renseignements à satisfaire, plus de catégorisations avec des risques de réduire les personnes à certaines catégories. En touchant de nouvelles catégories de publics, cet effet pourrait potentiellement toucher plus encore les professionnels.
L’identification de ce phénomène de modification des actes des professionnels consécutif à la mise en œuvre des remontées d’informations est souvent difficile à mesurer. Et pour tout dire, on se demande dans nombre d’équipes, à quel niveau est traitée la remontée d’informations avec l’encodage qui va avec… Nous nous demandons la valeur des chiffres qui sont remontés vers l’ONED, et même si ce n’est pas dans certains cas une mesure « à vue de nez »…
 
Il y aurait donc au moins deux études à faire :
-       Fiabilité interne des données remontées des CG vers l’ONED.
-       Tests sur la fiabilité de l’encodage… lorsqu’il existe.
 
D’autres facteurs nous incitent à exprimer des réserves sur un élargissement. C’est la tentation toujours plus grande dans les institutions de se couvrir, de mettre en œuvre des mesures par précaution et par volonté de « contrôle continue » de certaines familles… Nous posons l’hypothèse que, dans le secteur de l’enfance, les relations entre services sociaux et population sont de plus en plus empreintes de défiance. L’augmentation du nombre d’informations préoccupantes qui a suivi la loi de 2007 s’est traduite par un nombre moyen en augmentation des évaluations. Et nous avons constaté des dérives consistant à agir par excès pour ne pas être accusé d’avoir pas ou peu agit. Ainsi, dan certains services, des situations correspondant à un « sans suite » sont transformées en « mise à disposition », permettant le maintien dans les archives « au cas où »… Des prestations (du type TISF ou AED très floue qui  sont de pseudo-AED) sont mises en œuvre là où une mise à disposition suffisait…
La culture du dispositif est aussi un facteur incitant les professionnels à travailler de façon simple : un problème, une solution. Un problème avec son bébé ? Une TISF ; un problème avec un enfant de 7 ans ? Un éducateur, etc.
 
Il nous semble que nous faisons aujourd’hui de la prestation de plus en plus souvent, nous contractualisons des orientations : cela donne donc une visibilité au travail social, mais tant les familles que les professionnels, avons nous besoin de cette forme de visibilité ?
Enfin, nous vivons dans une telle invitation permanente à l’IP (voir par exemple le rapport pour l’ONED sur les enfants exposés aux violences conjugales, de Nadège Severac (5) pages 47 à 50) que l’on peut se demander si d’ici peu, tous les CG ne fonctionneront pas avec une IP tellement large qu’il ne sera plus besoin d’élargir le périmètre.
 

Ce qui pourrait nous inciter à accepter l’élargissement du périmètre :

Faire entrer les situations où une prestation est décidée sans passage par l’IP confirmée ni la saisine de l’autorité judiciaire est cependant intéressant :
 
-       Tout d’abord, si prestation il y a, on peut espérer que c’est le plus souvent après une co-évaluation de la situation. Cela offre un filtre, comme la notion d’information préoccupante confirmée offre un filtre dans le système actuel.
-       Ensuite, nous postulons qu’aujourd’hui, même lorsqu’elles ne passent pas par l’entrée IP ou justice, les aides éducatives sont dans une proportion importante de type contraintes. Même si officiellement, c’est le ou les parents qui en font la demande, c’est souvent le besoin d’un tiers (dont les professionnels du secteur social ou scolaire). Pas besoin d’IP pour avoir « intérêt » à définir comme sienne la demande que des acteurs possédant un pouvoir souhaitent tellement que nous ayons… Il y a donc cohérence à ce que ces prestations soient traitées comme celles relevant de dispositif explicitement contraignants.
 
Les autres avantages réels ou espérés étant dans la commande de cette démarche de réflexion, je n’y reviens pas.

 
Je donne donc notre position :
 
-       Nous sommes favorables à un double mouvement :
-       Un élargissement du périmètre d’observation par l’intégration en son champ des mesures d’aides administratives hors aides financières consécutives à une demande du responsable de l’enfant, pour les situations correspondant aux critères de l’article 375 du code civil (6).
-       Et une restriction, là où elle est large, de la définition de l’information préoccupante qui va déclencher une évaluation. On ne peut laisser d’un côté une vision contrôlante qui permet à n’importe quelle personne de déclencher une intervention dans une famille (sachant que lorsque vous avez une évaluation par un système de protection préoccupé à l’extrême, vous pouvez avoir des confirmations en nombre…) et d’un autre côté prendre le filtre du 375 ou de la prestation évaluée.
 
Il y a une cohérence du système d’observation à trouver, là aussi. Même si ce n’est pas directement dans le champ de votre mission, c’est bel et bien le même sujet.

 
Pour l’ANAS,
Laurent Puech
Administrateur


(1) L’audition devant l’ensemble du comité d’experts se déroule en deux phases : 15 minutes pour un exposé libre (dont ce texte est la base) et 15 minutes de questions de la part des membres du comité.
(2)  Voir la composition du comité sur  http://www.oned.gouv.fr/ressources/composition-membres-comite-dexperts-pour-demarche-consensus
(6) Les critères fixés par le 375 du code civil sont « Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises (…) » 


 


Samedi 8 Juin 2013




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