Association nationale des assistants de service social

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D'un diplôme d'Etat à un diplôme "maison" ?


Les ASH ont publié une tribune signée Thérèse Guichet (Commission Formation) et Didier Dubasque (président ) qui fait part de nos interrogations et demandes auprès du ministère des affaires sociales.



D'un diplôme d'Etat à un diplôme "maison" ?
La réforme du diplôme d’Etat d’assistant de service social (DEASS) entre dans sa dernière phase avec la parution le 15 juin du décret la concernant et celle, prochaine, de l’arrêté la précisant. Tous les centres de formation ont pour consigne de se préparer pour une application des nouveaux textes dès la rentrée 2004, c’est à dire dans quatre mois. On peut s’étonner de cette parution tardive des textes et […] s’interroger sur cette volonté d’agir dans l’urgence. Toutes les inquiétudes sont permises sur ce qui sera mis en place dès la rentrée prochaine. Les interprétations possibles des textes et l’absence de moyens nouveaux favorisent en effet la mise en œuvre de stratégies visant à faire au mieux mais surtout au moindre coût.

La décentralisation prévoit en parallèle un transfert de compétences entre les services de l’Etat et les régions alors que celles-ci ne se sont pas saisies du dossier. Certaines, mêmes, ont estimé encore récemment que la formation des travailleurs sociaux n’était pas leur priorité.

Dans ce contexte nous pouvons légitimement nous interroger sur ce qui restera du diplôme d’Etat. Comment les services de l’Etat pourront-ils contrôler la mise en œuvre de bonnes pratiques quant à l’enseignement de la profession ? La question apparaît déjà pour certains déplacée.

On observe déjà des disparités sensibles de la formation et des conditions d’obtention du diplôme selon les directions régionales de affaires sanitaires et sociales. Elles risquent de s’accentuer avec la régionalisation et une autonomie accrue des centres de formation, dont le financement proviendra des exécutifs régionaux. Une chance, disent certains. Un risque aussi, et très sérieux.

Aucune réponse n’est apportée à des questions qui nous paraissent essentielles. Ainsi, quelles vont être les conditions de recrutement à l’entrée des centres de formation ? N’y a-t-il pas besoin de les formaliser afin de garantir une égalité de traitement des demandes sur le territoire ? (1 Quel sera l’impact sur le contenu des formations des attentes spécifiques locales et régionales ? Quelles garanties pédagogiques seront apportées pour le respect d’un cadre national d’obtention du diplôme ? Les agréments des centres de formation et des sites qualifiants par les régions ne risquent-ils pas de créer des disparités excessives et les conditions d’une concurrence un peu « sauvage » avec l’arrivée de projets nouveaux ? Les qualifications des enseignants et des formateurs de terrain seront-elles garanties ? Par qui ?

Il y a tant de questions sans réponse que l’on peut craindre à terme une évolution du diplôme d’Etat vers des diplômes « maison » structurés à partir de besoins conjoncturels.

Nous pouvons craindre des dérives, amplifiées par une dépendance accrue des centres de formation vis-à-vis des décideurs politiques. La tentation sera grande pour les élus départementaux et régionaux d’influer sur le contenu même des formations en vue de produire sur le terrain des travailleurs sociaux correspondants à leurs attentes… Il ne s’agit pas là d’opposer les « bons » professionnels aux élus qui seraient forcément inscrits dans une logique d’instrumentalisation d’une profession. Non, il s’agit simplement de souligner que les services de l’Etat semblent avoir abandonné toute volonté de maintenir des exigences et de donner les moyens pour que celles-ci soient respectées.

A titre d’exemple, des responsables de filière « assistants de service social » ou de l’unité de formation principale ne sont plus, déjà aujourd’hui, systématiquement titulaires du DEASS. Ils sont conduits à développer des concepts et des stratégies parfois fort éloignés des règles méthodologiques de la profession. Plus trivialement, un maçon accepterait-il d’être formé par un plâtrier sous prétexte que tous deux prennent part à la construction d’une maison ? N’a-t-on pas besoin de professions distinctes qui travaillent ensemble pour une finalité commune ?

Prenons l’unité de formation « philosophie de l’action et éthique ». D’ores et déjà certains centres de formation envisagent de dispenser simplement un enseignement de philosophie pour traiter de cette question qui est au cœur des pratiques professionnelles. Limiter cette unité de formation à quelques cours de « philo » est particulièrement réducteur et ne pourra répondre aux besoins de clarification sur la question car c’est bien dans le quotidien professionnel que les questions éthiques et déontologiques se posent.

Nos missions, tant dans le domaine de la protection de l’enfance que de la restauration du lien social, s’inscrivent bien dans des préoccupations nationales. Les finalités des interventions doivent pouvoir être fixées par les services de l’Etat et les partenaires sociaux, et cela dans le cadre du débat démocratique. C’est pourquoi aujourd’hui nous posons cette question : comment l’Etat, garant de la cohésion sociale, va-t-il trouver les moyens de régulation et financiers pour un contrôle garantissant une harmonisation sur le territoire de la formation des assistants de service social, et plus largement de l’ensemble des formations du travail social ? Quels moyens pourra-t-il mettre en œuvre pour le maintien d’un diplôme d’Etat délivré par l’instance ministérielle (voire interministérielle) avec une reconnaissance de niveau respectant les normes européennes ?

Nous pensons utile d’alerter le pouvoir politique sur cette question. Nous avons des propositions concrètes, qui s’appuient sur des principes et des valeurs.

Nous estimons nécessaires :
 une certification avec un maintien d’épreuves nationales et la constitution de jurys selon des critères précis intégrant la présence de professionnels titulaires du DEASS ;
 la garantie d’un enseignement mis en œuvre par des formateurs diplômés ;
 une procédure d’agrément des établissements et des sites qualifiants qui ne soit pas laissée à la seule appréciation des exécutifs départementaux et régionaux ;
 un recrutement des futurs étudiants formalisé selon des normes nationales ;
 une clarification et une formalisation des conditions de la mise en œuvre de la validation des acquis de l’expérience ;
 et plus largement le respect des spécificités […] propres à chaque profession du social
Notre association a pris une part très active dans le travail de formalisation des référentiels dans le cadre de la réforme du diplôme d’Etat. Ce qui a été produit par les groupes de travail révèle la grande richesse de notre profession et la diversité des compétences mises en œuvre pour l’exercer. Le sens des interventions et les capacités que doivent acquérir les professionnel(le)s pour exercer leur responsabilité ont été pris en compte. Demain si nous n’y prenons pas garde, c’est tout ce travail qui peut être mis à néant. Si les services de l’Etat ne se donnent pas les moyens d’un suivi et d’un contrôle du respect de ce qui a été formalisé, nous prenons le risque d’un éclatement de notre profession.

Les centres de formation ont intérêt à unir leurs efforts, tout comme les professionnels et les institutions sociales, sur la base de valeurs communes, dans le respect des particularités des professions. Les représentants de l’Etat dans les régions doivent eux aussi prendre toute leur place pour la mise en œuvre des textes. Nous venons d’ailleurs de l’écrire au ministre de la l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale.

(1) A ce sujet, la commission formation de l’ANAS a rédigé un document pour une harmonisation des épreuves d’accès aux centres de formation.

Didier Dubasque et Thérèse Guichet

Mardi 29 Juin 2004




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