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Affaire Marina : l’ANAS auditionnée par la « Mission Grevot »


La Défenseure des enfants, Marie DERAIN, a missionné Alain GREVOT, expert de l’ODAS (Observatoire national De l’Action Sociale décentralisée), afin d’analyser et identifier les dysfonctionnements à l’œuvre au sein du dispositif de protection de l’enfance et proposer des améliorations. Cette expertise externe et neutre vise à comprendre et à améliorer plutôt qu’à pointer des responsables.
C’est dans ce cadre qu’Antoine GUILLET, membre du Conseil d’administration de l’ANAS, a été auditionné par Alain GREVOT le 30 mai 2014.



Affaire Marina : l’ANAS auditionnée par la « Mission Grevot »
Rappelons que l’ANAS a été présente tout au long de ce qu’on appelle « l’affaire Marina » pour soutenir les professionnels du Conseil Général de la Sarthe, apporter une analyse et des propositions d’amélioration du dispositif de protection de l’enfance en dehors de l’émotion suscitée par un tel fait divers et face à des propositions simplistes et sécuritaires faisant fi de la complexité de l’intervention auprès des familles.
Avant d’aborder les principales prises de position de l’ANAS dans le cadre de cette audition, nous tenons à souligner que cette expertise est une initiative intéressante de la part de la Défenseure des enfants qui doit permettre de sortir d’une logique de sanction pour aller vers une volonté de comprendre pour apprendre. Toutefois, nous restons vigilants étant donné qu’il s’agit là d’imaginer des évolutions d’un système en plein bouleversement en partant d’un cas particulier et heureusement exceptionnel. 

Toujours plus d’ingérence pour moins de danger : une fausse évidence

Face à des faits divers tels que celui-là, la logique, selon certains, voudrait que le système aille vers davantage d’ingérence dans la vie des familles lorsque des « inquiétudes » existent au sujet d’un enfant afin de prévenir d’éventuelles maltraitances et donc d’éventuels drames. Ainsi, il faudrait ne pas prévenir la famille avant une visite à domicile, demander à visiter toutes les pièces du domicile, s’y rendre plus tard le soir, partager davantage d’informations entre professionnels, etc.
Or, même si cela peut choquer certains, il y aura toujours du danger et des faits divers. Le système de protection de l’enfance ne pourra jamais protéger tous les enfants car rappelons le : le risque zéro n’existe pas.  
Les deux questions essentielles en réalité sont les suivantes : davantage de contrôle et d’ingérence permettraient-ils une meilleure protection des mineurs ? Vers quel modèle d’intervention auprès des familles souhaitons-nous évoluer ?
Force est de constater que la tendance de notre société et des politiques de protection de l’enfance est de développer un meilleur repérage des situations de danger potentiel afin d’intervenir au plus vite et protéger l’enfant si nécessaire.
Le problème est que nous avons ainsi développé un modèle basé sur la suspicion par cette volonté de déceler les failles potentielles des parents. Or, plus nous allons dans ce sens, plus nous réduisons les espaces de libre-adhésion et de co-construction avec les familles qui se détournent des services sociaux de proximité. Il semblerait donc que cette manière de penser la protection de l’enfance, sous l’angle du danger et de la crainte du fait divers, se soit retournée contre le système lui-même qui se retrouve à surenchérir dans une logique sécuritaire là où il apparaît nécessaire de penser autrement. 

Changer de paradigme

Ce sous-titre reprend le thème des 7e Assises Nationales de la Protection de l’Enfance qui auront lieu à Lille les 30 juin et 1er juillet prochains, lors desquelles Alain GREVOT et la Défenseure des enfants rendront compte de leurs conclusions suite à cette expertise sur l’Affaire Marina. L’ANAS sera d’ailleurs présente à cette occasion.
Si l’on considère le paradigme comme un modèle, une manière de concevoir les choses, l’ANAS soutient un changement de paradigme. Un paradigme basé sur la compétence des familles plutôt que sur leurs failles potentielles ; un paradigme qui redonne des marges de manœuvre et des moyens aux professionnels ; un paradigme qui accepte le risque et permet aux professionnels de travailler avec.
L’ANAS a toujours été attachée à apporter de la complexité dans la manière de penser l’intervention en protection de l’enfance. C’est-ce que nous avons fait lors de cette audition en rappelant notamment que l’intervention basée sur la suspicion et donc la crainte d’un danger freine les professionnels en charge d’une évaluation ou d’un accompagnement, là où ils auraient besoin d’être sécurisés. Ainsi, il faut affirmer que la prise de risque d’un professionnel peut être protectrice pour un mineur tout comme un signalement peut créer ou renforcer le danger.
 
Comment sécuriser les professionnels ?
L’intervention en matière de protection de l’enfance, notamment l’évaluation, doit faire l’objet d’un processus de formation continue des professionnels concernés mais aussi de leurs encadrants associés à des espaces d’analyse et de réflexion sur les pratiques.
Nous ne pouvons pas pointer du doigt les professionnels lorsque des drames surviennent et ne pas leur donner les moyens, les entendre lorsqu’ils proposent ou font remonter leurs besoins et ceux des populations.
Enfin, il est nécessaire de redonner du sens à l’action sociale en favorisant des espaces de liberté pour les familles basés sur leur libre-adhésion, le secret professionnel et la co-construction. Si l’aide contrainte se justifie pleinement en matière de protection de l’enfance, la prévention doit avant tout être basée sur ce type d’espaces au lieu de se situer elle-aussi dans une logique protectionnelle.
 Or, ces espaces d’intervention fondent comme neige au soleil avec le développement de l’aide contrainte dans le champ administratif [1] , le culte de la contractualisation et l’hégémonie des dispositifs.


Pour le Conseil d’administration,
Antoine GUILLET

 


[1] http://www.anas.fr/L-aide-contrainte-dans-le-champ-administratif-moins-reperable-plus-inquietante_a848.html


Retrouvez ci-dessous le communiqué en version PDF




Lundi 23 Juin 2014




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